
ÉDITORIAL. Le jugement du Tribunal administratif fédéral sur les titres liquidés dans la débâcle de CREDIT SUISSE rappelle que nos autorités peinent à être au niveau des enjeux de la place bancaire. Cela doit impérativement changer
Le spectre de CREDIT SUISSE n’a pas fini de hanter la Paradeplatz et le Palais fédéral, deux ans et demi après l’effondrement de la grande banque. Alors qu’UBS poursuit l’intégration de son ancienne rivale, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a déclenché mardi un véritable séisme politico-économique. Ses juges ont estimé que le gendarme des marchés financiers, la Finma, n’avait pas le droit, le 19 mars 2023, d’annuler les AT1, ces titres qui peuvent être liquidés ou convertis en actions lorsque le pronostic vital d’une banque est sérieusement engagé. Selon le TAF, il ne l’était pas assez clairement ce jour-là. Une appréciation qui ne manquera pas de susciter quelques ricanements dans les milieux bancaires, conscients que la survie du zombie qu’était devenu CREDIT SUISSE n’était plus qu’une question d’heures.
La Finma ayant annoncé faire recours, c’est à présent au Tribunal fédéral de s’emparer d’un dossier pesant 16 milliards de dollars, soit la valeur nominale de ces obligations aussi rémunératrices que risquées. Autant dire que cette affaire n’a pas fini d’occuper les juristes et les avocats.
Elever le niveau
Elle concerne le citoyen contribuable de très près. Personne n’est en mesure d’assurer qu’UBS, si elle devait passer à la caisse pour dédommager les détenteurs d’AT1, ne se retourne à son tour contre la Confédération. Car celle-ci estimait, au travers du droit d’urgence, avoir la compétence de délester CREDIT SUISSE de ces titres. Très remonté contre le projet de réglementation du Conseil fédéral qui veut le voir augmenter drastiquement ses fonds propres, le numéro un bancaire suisse serait en droit de se sentir floué si les conditions de reprise changeaient a posteriori.
Quoi qu’il advienne, le coup de théâtre juridique que le TAF nous a réservé est plus que bienvenu, alors que le législateur devra se pencher sur l’encadrement de la désormais seule banque suisse trop grande pour faire faillite. Il ne fait que rappeler à quel point la Suisse n’a pas été, jusqu’à ce jour, à la hauteur de ses ambitions dans le secteur bancaire. Malgré le gros signal d’avertissement qu’avait représenté en 2008 le sauvetage d’UBS.
Faute de pouvoir ou de vouloir appliquer l’arsenal de mesures déployé à la suite de ce scandale retentissant pour encadrer ses grandes banques, la Suisse a accouché d’un géant bien difficile à maîtriser. Pour ce faire, le renforcement du capital de l’établissement aux trois clés ne suffira pas. C’est le niveau, les moyens et les compétences de ses autorités de surveillance qui seront déterminants pour prévenir ou éviter une nouvelle faillite collective. Car ce que le TAF nous dit aussi dans son arrêt, c’est qu’il peut y avoir des limites à la toute-puissance de l’Etat. Même quand l’intérêt supérieur de la nation est en jeu.