
La branche se prépare à un atterrissage forcé après les folles années post-covid. Il y aura de la casse, mais le secteur s’en remettra. L’épisode réveille cependant une douleur chronique: que serait la montre suisse sans le chômage partiel?
Franchement, c’est assez humiliant. Quand BFMTV titre sur les horlogers suisses «en crise», qui se «placent sous la protection de l’Etat», les oreilles des grands patrons devraient se mettre à siffler. Mais personne ne semble avoir entendu. Le média français tape pourtant là où ça fait mal: qu’y a-t-il de moins glamour qu’un organe subventionné et en crise? Mais dans le milieu, la parole est réservée au marketing. S’il s’agit de défendre l’industrie, silence radio.
BFMTV n’est pas tombée sur ce sujet au hasard. C’est l’agence Bloomberg qui a allumé les feux la semaine dernière en mettant en gras une information qui circulait dans le landerneau depuis un moment: Ulysse Nardin et Girard-Perregaux (groupe Sowind) ne vont pas aussi bien que leur patron l’affirme et une partie de la production est en RHT (réduction d’horaires de travail). BFMTV n’a fait qu’en rajouter une couche.
Cette clé de bras médiatique a le mérite de faire sortir le débat du sérail. On est encore loin de la catharsis, mais c’est un début. Reprenons les termes. «En crise»: s’agissant de l’horlogerie, c’est une antienne. Il suffit que les affaires s’enrouent pour voir la branche à l’article de la mort. Comme si le vieux traumatisme des années quartz était toujours vivace et qu’évoquer «la crise» servait de conjuration. Parce que s’il est vrai que l’horlogerie se prépare à un atterrissage forcé et qu’il y aura de la casse, tout se passe à haut niveau. Après des années de croissance débridée et sur des fondamentaux solides.
### **Toujours sous pression**
Pour ce qui est de la «protection de l’Etat», évoquée par BFMTV, il n’est malheureusement pas possible de dire le contraire. Puisque sans le support du chômage partiel, une grande partie des compétences indispensables au «Swiss made» auraient déjà été perdues – certainement plus au profit de l’Asie que de la France.
C’est sur ce point précisément que la branche devrait faire son introspection. Car l’horlogerie, en cédant aux appels du luxe, est devenue un beau Janus. D’un côté, le visage souriant des marques. De l’autre, la face changeante des sous-traitants. Ces derniers servent systématiquement de variable d’ajustement. Toujours sous pression: en haute conjoncture, il faut investir, en basse conjoncture, on coupe les commandes.
En ce moment, l’horlogerie se trouve sur cette articulation-là, et si le bras de l’Etat est appelé en soutien, c’est parce que les marques ne font pas leur job. A part Rolex, Swatch Group et quelques confrères, personne ne s’efforce de lisser les cycles. Mais comment résister à la croissance?