Les trois pays s’assurent de leur aide mutuelle en cas de pénurie grave de gaz. Si le texte arrive après la bataille, il sert de garantie pour l’avenir
Il aura fallu deux années de négociations pour parvenir à cette signature. Mais ce mardi, les ministres allemand, suisse et italien de l’Energie ont officiellement signé, à Berlin, un accord de solidarité concernant l’approvisionnement en gaz entre leurs trois pays. Concrètement, les trois voisins promettent de s’entraider en cas de «pénurie grave» de gaz, lorsque les marchés ne fonctionnent plus et que tous les mécanismes d’urgence ont été déclenchés. Le but est d’assurer la continuité de l’approvisionnement pour la clientèle dite «protégée»: ménages, hôpitaux, services d’urgence, maisons de retraite, etc. Prévoyant des obligations financières mutuelles et la mise en place d’un tribunal d’arbitrage ad hoc en cas de différend, le texte doit désormais être ratifié par le parlement fédéral.
«Nous espérons ne jamais avoir besoin de mettre en pratique cet accord», a lancé Robert Habeck, vice-chancelier allemand et ministre de l’Energie, encadré de ses collègues suisse et italien. «La signature d’un tel accord peut sembler aller de soi mais elle ne l’est absolument pas, dans un monde où les marchés énergétiques sont pilotés au niveau national. Il existe quelques accords de solidarité bilatéraux, mais quasiment aucun entre trois pays», a-t-il ajouté.
### «Ils ont le gaz, nous avons les pipelines»
Si l’idée a été initiée par Berlin et Rome il y a deux ans, dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, alors que l’Europe vivait la pire crise énergétique de son histoire, le projet d’inclure la Suisse via un accord trilatéral s’est très vite imposé. «L’Allemagne et l’Italie ont le gaz et nous les pipelines,» a résumé ce mardi Albert Rösti, ministre suisse des Transports. «Avec cet accord, la Suisse garantit que le gazoduc reste ouvert en temps de crise entre ces deux pays et s’assure le soutien réciproque de l’Italie et de l’Allemagne. C’est une assurance pour l’avenir et un avantage pour la Suisse», a-t-il commenté.
Si la signature de cet accord intervient, pour certains, un peu tard alors que la crise énergétique est passée, elle met toutefois en lumière la place centrale jouée par la Suisse en matière de transit de gaz au niveau européen. Et cela, «même si elle n’appartient pas à l’Union européenne», comme l’a rappelé Robert Habeck ce mardi. «Nous sommes un partenaire important de l’Allemagne et de l’Italie pour le transport de gaz depuis les années 1970», s’est félicité Albert Rösti, qui a évoqué le chiffre de «10 millions de m³ de gaz transitant via la Suisse» vers l’Italie et l’Allemagne.
De fait, la Suisse est un partenaire central pour la Péninsule depuis que celle-ci a misé sur le gaz et abandonné le nucléaire, le pétrole et le charbon pour faire tourner ses centrales électriques. Avec la guerre en Ukraine, et l’arrêt des importations de gaz russe par Berlin, la Suisse joue également un rôle clé pour le sud de l’Allemagne, désormais approvisionné en gaz grâce au flux inversé du pipeline venant d’Italie.
### Des éclaircies entre Berne et Bruxelles
L’accord trilatéral signé ce mardi révèle aussi la manière dont la Suisse peut profiter à l’avenir des politiques énergétiques européennes. Ce texte pourrait en effet servir de tremplin vers une collaboration élargie avec les Européens concernant l’hydrogène. La Confédération est actuellement en train de plancher sur une stratégie en la matière, avec la possible construction d’un pipeline reliant les trois pays. Un tel tracé viendrait compléter les projets actuellement débattus entre Berlin et Rome pour un pipeline (SoutH2Corridor) reliant la Bavière à la Tunisie et contournant les Alpes via l’Italie, l’Autriche et l’Allemagne.
La signature de cet accord trilatéral confirme enfin l’amélioration récente des relations entre la Confédération et les autorités européennes. Elle intervient en effet au lendemain du coup d’envoi officiel des négociations entre la Suisse et l’Union européenne.