
ÉDITORIAL. Première licorne du pays, la start-up vaudoise a obtenu un sursis concordataire pour survivre. Plus que toute autre, elle incarne les espoirs de la Suisse de régénérer son tissu économique et témoigne de la difficulté de l’exercice
MindMaze a-t-elle un jour été une licorne, une start-up valant plus d’un milliard de dollars? Cette question restera sans réponse, tant l’estimation de la valeur des jeunes pousses technologiques est un exercice complexe, mouvant et surtout terriblement secret. Après que l’investisseuse américaine Aileen Lee a mis au monde ce curieux concept en 2013, rejoindre le troupeau de créatures légendaires est en tout cas devenu l’obsession de toute une génération de start-up. Une quête favorisée par une décennie d’argent facilement accessible.
En 2016, la société vaudoise est la première en Suisse à décrocher ce graal technologique et financier. Si l’information n’est jamais officiellement confirmée, elle propulse la jeune entreprise sous les projecteurs. Parce que celle-ci promet de révolutionner, grâce à la réalité virtuelle, la réhabilitation et la réadaptation cérébrale. Parce qu’elle permet à l’EPFL, dont sa technologie est issue, de coiffer au poteau l’EPFZ, éternelle rivale alémanique. Parce que, surtout, elle rassure son pays d’origine sur son potentiel dans une économie mondiale en mutation profonde.
Régulièrement placée à la première place des classements mondiaux de l’innovation, la Suisse peine en effet à traduire cette position en succès commerciaux probants. En affirmant haut et fort ses ambitions, l’entreprise lausannoise et son fondateur, Tej Tadi, entretiennent l’espoir de voir éclore les Nestlé ou les ROCHE de demain. Car si la Suisse est une nation de PME, sa richesse est aussi due à ces géants vieillissants. Et la terre natale d’UBS ou d’ABB doit renouveler son économie. Un défi que quelques esprits éclairés ont empoigné à bras-le-corps il y a une quinzaine d’années, en s’attachant à appliquer à la Suisse le modèle des start-up californiennes.
Entre promesses et désillusions
Souvent très bien intentionnée, la fièvre entrepreneuriale des années 2010 accouchera parfois du pire avec une surenchère d’annonces de levées de fonds, des promesses de disruption technologique parfois douteuses et quelques inévitables désillusions. Le mouvement n’en a pas moins eu pour grand mérite d’éveiller l’esprit d’entreprise et de susciter le goût du risque de toute une génération. Tout en révélant l’ampleur du défi et les difficultés d’attirer des capitaux pour croître rapidement le moment venu. Une étape cruciale.
Faute de détails sur les investisseurs qui ont aujourd’hui permis d’éviter à MindMaze de sombrer en transférant une partie importante de ses actifs dans une mystérieuse structure, il faut se garder d’enterrer la start-up lausannoise et ses rêves de grandeur. De la même manière, il est encore trop tôt pour tirer le bilan des efforts consentis pour régénérer le tissu économique helvétique. Une certitude aussi évidente que logique s’impose toutefois: dans un environnement mondial extrêmement concurrentiel, l’exercice devient toujours plus difficile. Des exemples comme la licorne informatique genevoise SonarSource ou le fabricant de chaussures zurichois On – 16 milliards en bourse – prouvent toutefois que le succès reste possible. Et, surtout, qu’il n’est pas toujours là où on l’attend.