Loin des idées reçues, les réfugiés ukrainiens boostent l’économie polonaise
L’agression russe a provoqué un afflux d’Ukrainiens en Pologne. Epluchés par l’AFP, les rapports sont unanimes à montrer l’apport économique de ces arrivées. 7 réfugiés sur 10 travaillent
Une clé à molette à la main, Oleksandr Belyba s’applique à dépanner une camionnette dans un garage à Varsovie. Cet Ukrainien de 33 ans ne jure que par son travail et veut rester en Pologne, pays qui bénéficie économiquement de l’accueil des migrants, contrairement aux idées reçues.
«Il est impossible de ne pas travailler en Pologne et les Ukrainiens sont un peuple qui ne peut rester en place», dit cet homme qui a passé 13 mois à combattre l’invasion russe contre son pays, avant de venir en Pologne, il y a six mois, pour travailler dans ce garage lancé par un ami originaire de Dnipro.
Après l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, la Pologne a ouvert ses frontières aux réfugiés ukrainiens, leur accordant divers avantages. Aujourd’hui, la plupart de ces aides ont été supprimées. Mais travailleurs ou étudiants bénéficient notamment de l’accès au système de santé publique et d’éducation gratuites.
Loin de constituer un poids pour la Pologne, la présence d’environ 1,5 million d’Ukrainiens, dont un million de réfugiés, principalement femmes et enfants, est hautement bénéfique pour l’économie polonaise qui ne cesse de croître, selon un rapport publié récemment. L’an dernier, les réfugiés «ont eu un impact net de 2,7% sur le PIB du pays», selon ce document du cabinet international Deloitte réalisé avec UNHCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés.
Ce gain serait «perdu» si les réfugiés devaient partir, selon ce document. De plus, les réfugiés «augmentent l’offre de main-d’œuvre en tant que travailleurs et entrepreneurs, tout en élargissant la demande en tant que consommateurs», indique Deloitte, soulignant que 69% des réfugiés ukrainiens en Pologne travaillent.
Le rapport va à l’encontre des déclarations des mouvements nationalistes et d’extrême droite qui accusent les Ukrainiens «de profiter de la Pologne». Lors de sa campagne électorale, le président nationaliste élu Karol Nawrocki clamait: «La Pologne d’abord. Les Polonais d’abord», demandant que les prestations sociales aillent «avant tout aux Polonais» qui devraient même «avoir la priorité» dans les files d’attente chez les médecins.
Le dirigeant de l’extrême droite Slawomir Mentzen a accusé les Ukrainiens de considérer les Polonais comme des «pigeons». Les aides sociales «ne suffisent pas pour vivre convenablement en Pologne», déclare pourtant à l’AFP, Oleh Yarovyi, propriétaire de la chaîne de cafés Dobro Dobro à Varsovie où 95% des employés sont ukrainiens. «La vie en Pologne n’est pas très bon marché», souligne-t-il.
Olessia Hryhorash, employée d’un pressing dans un centre commercial, confirme. «Tous mes amis travaillent, certains même sur deux postes», déclare cette femme de 25 ans, arrivée en Pologne juste avant l’agression russe.
Selon un rapport d’UNHCR, les Ukrainiens occupent principalement des postes moins bien rémunérés, et ils n’ont pas provoqué de hausse du chômage dans le pays, stable à environ 5%. «L’économie a bénéficié d’une réserve plus importante de talents, permettant une spécialisation plus poussée et une croissance accrue de la productivité», selon ce texte.
«Je n’ai pris aucun argent à la Pologne. Tout ce que j’ai ici, je le gagne de mes propres mains», déclare Vitalii Vizinskyi, 47 ans, propriétaire d’une entreprise de bâtiment, originaire de l’ouest de l’Ukraine. «Et bien sûr je paie les impôts ici», insiste-t-il. Derrière lui, ses ouvriers, Ukrainiens, Bélarusses et Polonais, s’affairent à poser des pavés dans la cour d’une ambassade à Varsovie. La Pologne a «simplifié l’enregistrement des entreprises ukrainiennes, l’accès à l’éducation et à l’emploi», souligne Kateryna Glazkova, directrice de l’Union des Entrepreneurs Ukrainiens (SUP).
Parmi les microentreprises en Pologne, près d’une sur dix est créée par des Ukrainiens, principalement dans le bâtiment et les services, selon l’Institut économique polonais. «Grâce aux impôts et contributions au budget polonais, les Ukrainiens ont beaucoup plus restitué que ce qu’ils ont reçu en aides», souligne Kateryna Glazkova.
Selon un rapport de la banque publique polonaise BGK, les contributions fiscales et les cotisations à la sécurité sociale des migrants ukrainiens ont atteint environ 15,1 milliards de zlotys (3,3 milliards de francs).