
Genève a tenu ses traditionnelles ventes publiques de montres du printemps. Avec des résultats très contrastés d’une maison de vente à l’autre. C’est une fois encore Phillips et son commissaire star Aurel Bacs qui remportent la palme. Ce n’est pas un hasard
Les enchères horlogères du printemps ont fait de Genève un tableau cubiste. Tous les visages de la montre seconde main étaient représentés simultanément. Les sessions les plus importantes se sont tenues durant le week-end dernier et les participants – Phillips, Christie’s, Sotheby’s et Antiquorum – en sont sortis en ordre très dispersé. Les chiffres d’affaires vont de plus de 40 millions de francs avec 192 lots chez Phillips, à 10 millions de francs pour 790 lots chez Antiquorum. Et ce ne sont pas seulement les montres proposées qui ont fait la différence.
La palme d’or revient donc une nouvelle fois à Phillips et son commissaire vedette Aurel Bacs. Il a réussi l’exploit d’atteindre 43,4 millions de francs, dépassant largement les estimations. Le prix moyen est de 226 000 francs. Les dix adjudications les plus élevées ont cumulé 18,6 millions de francs. Une performance qui contraste avec le climat d’affaires du secteur horloger, plutôt maussade en ce moment. De quoi mettre en lumière tout le savoir-faire d’Aurel Bacs, qui a su transformer les enchères horlogères en véritable spectacle.
Le grand retour des pendulettes
Les deux pièces les plus chères éclairent une tendance de fond: le retour de la pendulette de table. La deuxième place revient à la Portico Mystery Clock de Cartier de 1924, «d’importance historique», partie à 3,9 millions de francs.
Avec 5,5 millions de francs, le premier prix revient à une autre pendulette, la «Sympathique Numéro 1» réalisée pour la maison Breguet en 1991. Là encore un témoin historique: l’invention est d’Abraham-Louis Breguet, au XVIIIe siècle, et sa version moderne a été faite par l’horloger indépendant François-Paul Journe. C’est d’ailleurs lui qui en a fait l’acquisition, afin d’enrichir sa collection personnelle dont il prévoit de faire un musée, à Genève. François-Paul Journe était par ailleurs très présent dans la vente, avec 11 pièces, qui ont rapporté 3,4 millions de francs à Phillips.
Les deux pendulettes sont suivies par un calendrier perpétuel parti pour 2,7 millions de francs, signé Patek Philippe. La manufacture genevoise, qui a servi de tremplin aux enchères horlogères dès les années 1990, conserve ainsi sa position de pilier: Phillips a écoulé 34 lots totalisant 9,1 millions. Rolex pour sa part a ramené 7,5 millions avec 46 lots.
Jusque-là, Aurel Bacs ne fait que démontrer sa force de persuasion. La difficulté du métier étant à la fois de convaincre les vendeurs – ce qui n’est pas évident dans un contexte incertain – et de rassembler les acheteurs – ils étaient 1820 enregistrés.
Les deux histoires d’Universal Genève
Passons maintenant aux moments particuliers. Premièrement, les pièces primeurs. Une montre de Simon Brette, un jeune créateur établi à Genève, de 2024, a été adjugée 203 000 francs, plus de deux fois son prix à la sortie de l’atelier. Plus fraîche encore, une Charles Frodsham de 2025 est partie à 196 000 francs, 60 000 de plus que son prix d’origine.
Deuxième coup de phare: une vente pour financer la Fondation Philippe et Elisabeth Dufour. Onze pièces uniques sont mises aux enchères, pour un résultat final de 1,1 million de francs. Parmi les lots, une pièce de l’horloger Philippe Dufour lui-même, partie pour 647 000 francs, très loin de son record personnel de 7,6 millions réalisé en 2021.
Troisième temps fort avec une Universal Genève Polerouter de première main. Elle symbolise la relance de cette ancienne marque reprise par Georges Kern, à la tête de Breitling, en 2023. Un moment clé pour le repositionnement: Universal est destinée à couvrir le segment supérieur, au-dessus de Breitling. Le résultat est à la hauteur, elle trouve preneur à 71 000 francs. Et c’est là qu’Aurel Bacs démontre sa maîtrise du marteau. Car au même moment, la maison Antiquorum, misant également sur le retour d’Universal Genève, présentait 18 montres d’époque. Parmi les lots figure une Polerouter des années 1960, très similaire à celle de 2025 dans sa facture, partie pour… 1500 francs.