Christian Müller, sous-directeur de Cremo, au sujet de la reprise de la production de beurre et de crème à café de Swiss Dairy Food
Le marché des produits laitiers est en profonde mutation depuis que la Confédération a décidé de laisser l'agriculture voler de ses propres ailes.
L'annonce, jeudi, de la cession à l'entreprise fribourgeoise Cremo de la production de beurre et de crème à café du groupe laitier Swiss Dairy Food (SDF) place Cremo dans une situation de leader incontesté sur le marché suisse du beurre. Sa production progressera à 36 000 tonnes par année, soit 80% du marché. Cremo détient désormais plus de 50% du marché de la crème à café en portions. Plus de 500 millions de récipients en plastique sortiront de ses usines de Villars-sur-Glâne. SDF a décidé de se concentrer sur la production de lait, mais augmentera sa participation au capital de Cremo jusqu'à hauteur de 38%. Une dizaine d'emplois seront créés dans la banlieue fribourgeoise et 24 supprimés à Gossau (SG), chez SDF.
Le Temps: Quel est le but premier d'une telle concentration de production?
Christian Müller: Nous devons absolument baisser nos prix de production du beurre afin de nous préparer à l'ouverture des frontières, que je prévois dans sept à dix ans. Les marges étant faibles, cela ne peut se faire, dans une production de masse comme le beurre, que par l'accroissement du volume de production.
Serez-vous compétitifs sur les marchés suisse et européen?
La matière première restera un peu plus chère, mais je pense que le consommateur acceptera une différence de prix de 5 à 10% pour une meilleure qualité. Si nous perdons quelques parts de marché en Suisse, avec l'arrivée de concurrents français notamment, elles seront compensées par des ventes à l'étranger, par exemple dans certaines capitales européennes qui apprécieront les produits laitiers suisses. L'accord passé avec SDF nous permet d'atteindre la taille d'une entreprise européenne moyenne.
Les clients de SDF vous suivront-ils?
Globalement oui, car nous produirons à Fribourg des marques selon les recettes de SDF. Mais on ne peut pas exclure, sur le marché des portions de crème, une réaction de mauvaise humeur de clients alémaniques face à une entreprise romande qui s'empare du marché. Je préfère ainsi parler d'une part de plus de 50%, plutôt que d'avancer le chiffre de 60%, résultat du cumul des deux clientèles.
Le processus de restructuration de la branche se poursuivra-t-il?
C'est probable. Il y a quinze ans, il y avait 13 beurreries en Suisse. Il en reste trois, dont Emmi, dans la région de Lucerne, et AZM en Argovie. Ces entreprises auront plus de mal que nous à résister à l'ouverture des frontières.