Un garde-temps ne mesure que le présent. Mais ce n’est pas parce qu’il est bloqué dans cet immédiat impératif qu’il ne peut pas s’échapper dans un futur rêvé. Par l’innovation, les matériaux ou le design. Même si la fuite est utopique
La montre est une machine à voyager dans le temps qui ne décolle jamais du présent. C’est sa destinée. Elle n’a d’autre vocation qu’indiquer avec un maximum de régularité l’état de la course du temps au moment exact où le porteur la croise du regard. La logique est infernale: le temps est fluide et nous échappe, comme une goutte dans une rivière. La mécanique est sublime: la montre est le seul instrument autonome mis au point par l’homme, et pour lui seul, qui imite ce principe si naturel du temps qui passe. Les horlogers savent tout cela depuis des siècles, mais ne s’en contentent pas. Rivalisant d’astuces pour dépasser ce pesant présent, à grands coups d’inventions, de matériaux inédits et de designs futuristes. A des prix souvent tombés de la planète luxe.
Un bon exégète trouvera à cette création des affinités avec la fiction. Mais c’est surtout la science qui en est l’origine. HYT, basée à Neuchâtel, est née de la dynamique des fluides. La microfluidique pour être exact, un domaine de recherche venu des technologies médicales. L’idée de l’appliquer à la montre est en soi une provocation: la mécanique déteste le liquide. Le défi était de taille. Le fluide, contenu dans un tube capillaire, est devenu ainsi l’affichage des heures, moyennant une mécanique extrêmement complexe. Cette édition limitée (28 pièces) est comme un retour aux sources avec son cadran ouvert, plongeant sur les cylindres qui pompent indiciblement le temps qui coule.
Heures sphériques et minute rétrograde, boîtier acier, 69 000 francs
Hautlence, anagramme de Neuchâtel, a connu plusieurs vies au cours de ses vingt années d’existence. Start-up devenue belle indépendante, que les difficultés allaient mettre à terre sans la reprise de justesse par le groupe Melb (holding de la famille Meylan, également propriétaire de H. Moser & Cie). Un élément central n’a jamais changé: la volonté d’indiquer le temps autrement, astucieusement, mécaniquement. A l’image du modèle Sphere, dont la signature principale est un affichage sphérique et sautant de l’heure, primé au Grand Prix d’horlogerie de Genève en 2023. Cette nouvelle édition teste la carte du monochrome, métal sur métal. Afin de ne pas détourner le regard de son mécanisme d’avant-garde.
Bell & Ross, marque française établie en 1994, a toujours tenu la même ligne: marier la technique et l’esthétique. Dit ainsi, c’est très banal. Les options retenues par les deux créateurs, Bruno Belamich et Carlos Rosillo, se sont montrées assez singulières pour pouvoir s’imposer dans le paysage horloger. Les instruments de pilotage d’avion ont longtemps été leur seule référence. Puis le spectre s’est ouvert. Avec l’envie de renforcer le caractère contemporain des montres. Cette variante de la BR-X5 se veut urbaine. Elle aurait sa place dans un film d’anticipation. Le boîtier en matériau composite photoluminescent la rend fantomatique, de jour comme de nuit.
A sa création, en 1999, la marque genevoise Urwerk a atterri comme un spoutnik dans la soupe de l’horlogerie classique. Plantant sans le savoir la graine de la création contemporaine dans la montre haut de gamme. Derrière la marque, il y a deux personnalités, l’horloger Felix Baumgartner et l’artiste Martin Frei. Ils trouvent tout de suite leur style, mêlant culture horlogère et science-fiction. Leurs montres fonctionnent comme des props [répliques d’objets réels, ndlr] de cinéma projetant le porteur dans un futur utopique. Cette UR-105 descend d’une longue lignée de montres de science-fiction. L’une de ses singularités est d’intégrer l’affichage satellite des heures dans l’aiguille des minutes.