
ÉDITORIAL. L’entrée en vigueur ce mercredi de l’accord de libre-échange entre l’Inde et l’AELE fait sauter un verrou important pour les entreprises suisses désireuses d’exporter dans la plus grande démocratie du monde. Un marché réputé exigeant qui devient incontournable
«Les Indiens sont cordiaux mais, derrière, ils sont plutôt tordus.» Par ces quelques mots lâchés sur les ondes de la RTS en mars 2024, l’industriel Bernard Rüeger refroidissait l’enthousiasme généralisé que suscitait la très attendue signature d’un accord de libre-échange entre l’Inde et l’Association européenne de libre-échange (AELE) dont la Suisse fait partie.
Maladroits, les propos de l’entrepreneur vaudois lui ont valu une volée de bois vert. Il n’empêche qu’une fois les micros éteints, nombre de sociétés dépeignent la complexité du «sixième continent». Les termes sont simplement davantage choisis, précisant la pensée de Bernard Rüeger. A savoir que l’Inde est un marché exigeant, une mosaïque de régions, de cultures et de langues qui ne peuvent s’appréhender comme un ensemble homogène. Un débouché qui demande de la prudence, de l’abnégation et beaucoup de patience.
Une courte longueur d’avance
Alors que les Etats-Unis se recroquevillent sur eux-mêmes et que la Chine ne parvient pas à s’extirper de la trappe déflationniste dans laquelle elle est tombée, ces écueils ne font pas le poids face à l’attrait de ce marché de 1,5 milliard de personnes. Un géant encore en devenir qui, lentement, s’ouvre à la concurrence internationale en réduisant les barrières tarifaires et bureaucratiques qui le verrouillent. Un pays qui affiche l’une des croissances les plus solides du moment avec une progression du PIB attendue à près de 8% cette année.
Inévitablement, il y aura des déceptions et des déconvenues. N’y en a-t-il pas eu aussi en Chine? Mais l’expérience réalisée avec l’Empire du Milieu, qui a signé en 2013 un accord du même type avec la Suisse, montre à quel point de tels textes peuvent donner une impulsion forte aux relations commerciales. Pendant que les exportations à destination de la deuxième puissance économique mondiale étaient multipliées par deux, elles stagnaient avec le sous-continent asiatique.
Rien n’indique que la trajectoire des exportations suisses en direction de Bombay, Bangalore ou Madras sera absolument identique, d’autant plus que New Delhi est en train de négocier un accord du même type avec Bruxelles. Reste que, dans un climat mondial très morose, ce nouveau marché offre un potentiel bienvenu pour de nombreuses entreprises suisses. Celles-ci ne s’y sont pas trompées, témoignant un véritable engouement pour ce possible futur eldorado.