
Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump lorgne cette énorme île arctique. En déplacement au Groenland ce dimanche, Emmanuel Macron veut marquer son soutien au Danemark dont dépend cette terre objet de nombreuses spéculations
Territoire autonome du Danemark grand comme quatre fois la France mais recouvert à 80% de glaces, le Groenland, où se rend Emmanuel Macron dimanche, fascine pour ses hypothétiques ressources minières et son importance géostratégique au point de susciter la convoitise persistante du président américain Donald Trump. Le locataire de l’Elysée a affirmé qu’il se rendait en visite officielle au Groenland pour éviter toute «prédation» et toute «menace». Portrait.
Le Groenland est un territoire autonome où la justice, la politique monétaire, étrangère, de défense et de sécurité dépendent de Copenhague. Toutefois, avec une capitale plus proche de New York que de Copenhague, le Groenland fait partie de la zone d’intérêt des Etats-Unis, note auprès de l’AFP l’historienne Astrid Andersen, de l’Institut danois des études internationales. «Pendant la guerre, quand le Danemark était occupé par l’Allemagne, les Etats-Unis se sont saisis du Groenland. D’une certaine manière, ils ne l’ont jamais quitté», explique-t-elle.
Les Etats-Unis ont toujours une base active dans le nord-ouest de l’île, à Pituffik (anciennement Thulé). Elle était utilisée en tant que poste d’alerte contre d’éventuelles attaques de l’URSS pendant la Guerre froide et reste un maillon essentiel du bouclier antimissile américain. «Les Etats-Unis se plaignent légitimement du manque de surveillance de l’espace aérien et sous-marin à l’est du Groenland», relève le politologue Ulrik Pram Gad. Quand la fonte des glaces libère les routes maritimes, «la problématique est légitime mais Trump utilise des termes exagérés», estime-t-il. Le milliardaire américain avait dit dès son premier mandat, en 2019, vouloir acheter le territoire et s’était déjà vu opposer une fin de non-recevoir.
Secteur minier inexistant
Depuis 2009, il revient aux Groenlandais de décider de l’usage de leurs matières premières. L’accès aux ressources minérales du Groenland est jugé crucial par les Américains, qui ont signé en 2019 un mémorandum sur la coopération dans ce secteur. Les Européens leur ont emboîté le pas quatre ans plus tard avec leur propre accord de collaboration. Les sols groenlandais sont extrêmement bien cartographiés, ce qui a permis d’établir une carte détaillée des ressources.
L’UE a ainsi identifié 25 des 34 minéraux de sa liste officielle de matières premières essentielles, y compris les terres rares. «Avec l’augmentation de la demande pour les minéraux, on a besoin d’aller chercher des ressources inexploitées», relève Ditte Brasso Sørensen, une experte en géopolitique et directrice adjointe du groupe de réflexion Europa.
«Les acteurs (internationaux) sont de plus en plus conscients de la nécessité de diversifier leurs sources d’approvisionnement, en particulier lorsqu’il s’agit de la dépendance de la Chine à l’égard des terres rares». A cela s’ajoute la crainte que la Chine ne mette la main sur les ressources minérales, ajoute-t-elle.
Pourtant, actuellement, le secteur est inexistant. Seules deux mines sont exploitées au Groenland, l’une de RUBIS qui cherche de nouveaux investissements et l’autre d’anorthosite, un métal qui contient du titane.
Dépendance financière
Economiquement, ce territoire, qui cherche à s’émanciper du Danemark, dépend de la pêche mais aussi d’une subvention de Copenhague, qui apporte un cinquième de son PIB. Beaucoup d’espoirs sont placés dans l’aéroport international à Nuuk, sa capitale, qui a ouvert en novembre et devrait permettre de développer le tourisme, si les infrastructures s’améliorent.
La question des infrastructures est essentielle pour l’industrie minière. «Sur les industries extractives, Donald Trump a placé le Groenland sur la carte de l’exploitation minière mais c’est difficile de dire comment cela pourrait évoluer car il manque d’investisseurs», résume Lill Rastad Bjørst.
Ditte Brasso Sørensen met en exergue les difficultés intrinsèques locales de l’activité: «des conditions climatiques très rudes, un environnement protégé et beaucoup de coûts avec la nécessité de développer les infrastructures physiques et numériques». L’opposition de la population à l’extraction d’uranium dans le Sud a mené à une législation interdisant l’extraction de produits radioactifs. Autre source de fantasme, les énergies fossiles, dont l’exploitation est aujourd’hui au point mort.
«Le gouvernement du Groenland a suspendu la prospection pétrolière au Groenland et voit un grand potentiel dans l’hydroélectricité», développée avec l’aide des Danois, conclut Lill Rastad Bjørst, spécialiste de l’Arctique auprès de l’Université de Copenhague.