
ÉDITORIAL. Plutôt que de sanctionner, par des droits de douane stratosphériques, le républicain devrait s’inspirer des ingrédients qui ont permis à la Suisse de mieux résister à la désindustrialisation occidentale: valeur ajoutée, haut de gamme, niches…
Régulièrement, une délégation américaine débarque en Suisse pour admirer son système de formation professionnelle. Quelques mois avant que Donald Trump ne retrouve les commandes de la Maison-Blanche et ne fasse voler en éclats l’ordre économique mondial, un accord a d’ailleurs été conclu entre Washington et Berne pour favoriser les échanges d’apprentis.
Dans sa quête obsessionnelle de rendre aux Etats-Unis leur grandeur industrielle d’antan, le républicain devrait surtout s’intéresser aux rouages du succès économique helvétique tant ils peuvent se montrer riches d’enseignements. Soumises à des coûts élevés, les sociétés exportatrices suisses sont en effet poussées en permanence à se surpasser pour survivre face à une concurrence internationale logiquement impitoyable.
Cette donne a priori défavorable a incité les entreprises à opter pour des activités et des niches à très haute valeur ajoutée, un positionnement facilité par un terreau fertile. Dans leur stratégie, les entreprises ont en effet pu s’appuyer sur un savoir-faire pointu dans la précision ou exploiter l’expertise chimique acquise au fil des siècles dans la région bâloise pour devenir des leaders mondiaux de l’industrie pharmaceutique ou de l’horlogerie. Les fabricants de garde-temps ont aussi pu capitaliser sur le «Swiss made», un autre ingrédient d’une réussite industrielle supérieure à la norme occidentale.
Test de résistance en vue
Associée à la qualité et à l’excellence, l’image de marque de la Suisse sert d’ailleurs même des entreprises qui ne respectent pas les critères du célèbre label. A commencer par l’entreprise zurichoise On Running, accusée d’user de manière abusive du drapeau suisse pour promouvoir des chaussures de footing fabriquées au Vietnam. Le chocolatier Lindt & Sprüngli est, lui, régulièrement épinglé pour produire ses célèbres lapins de Pâques dorés en Allemagne. Il n’en reste pas moins unanimement salué par les experts pour le positionnement haut de gamme qu’il a opéré.
Ces exemples témoignent des petits arrangements, voire des compromissions, que les exportateurs helvétiques font avec leur passeport à croix blanche pour survivre et prospérer. Quelle que soit la stratégie qu’elles vont adopter pour surmonter le nouveau test de résistance auquel le président américain les soumet, ces sociétés ont pourtant toutes en commun d’avoir délaissé des activités industrielles simples, inconciliables avec le profil économique de la Suisse.
Plus rompu à l’art du «deal» brutal qu’à la sidérurgie ou au textile, Donald Trump va à son tour buter sur cette réalité implacable, tandis que les ouvriers qui ont célébré à ses côtés la «libération économique» des Etats-Unis subiront une cruelle désillusion. A moins qu’ils ne soient prêts à aligner leurs salaires sur ceux de la Chine, du Vietnam ou du Bangladesh.