
ÉDITORIAL. Les Geneva Watch Days se tiennent de jeudi à dimanche, avec cette fois un invité surprise. La question d’un musée d’horlogerie public revient avec force à Genève. Rappelant que la valorisation du douzième art dépasse les enjeux de l’industrie
Alors que les Geneva Watch Days, le rendez-vous de fin d’été des fabricants de montres, ouvrent dans la Rade, c’est toute la question du patrimoine horloger et de sa valorisation qui monopolise l’attention à Genève. Cela fait plus de vingt ans que le projet d’un musée dédié à ce que l’Unesco reconnaît comme héritage culturel universel est reporté. Mais l’idée revient avec une urgence nouvelle. Et ce, depuis que le youtubeur Marc-André Deschoux a décidé d’occuper le vide, prenant tout le monde de court.
Tout est, pour l’instant, une affaire de fonds: il faudra plusieurs dizaines de millions de francs pour que son projet de Maison de l’art et de la culture horlogère soit viable. Au-delà de cette initiative privée, Genève a de facto tout à gagner à avoir son musée d’horlogerie. L’attractivité touristique de la ville en serait forcément grandie. Les détaillants et les marques, qui fourmillent dans la région, tireraient eux aussi bénéfice de la présence d’une telle institution. Et cela renforcerait encore le parti pris culturel du Grand Prix d’horlogerie de Genève, la seule compétition de ce type dans la branche.
Neutralité et complémentarité
Pour autant, il faudrait que ce musée soit construit sur des valeurs d’indépendance et de neutralité, car une initiative privée laissera toujours le doute sur ses intentions. Les fabricants suivent, en toute logique, leur propre agenda et le marché a fait de la notion de patrimoine un axe de communication central. Les fabricants sont de plus en plus nombreux à mettre en scène leur histoire à la façon muséale, souvent au cœur même des manufactures. En ville de Genève, Patek Philippe est le seul à avoir rendu ses collections accessibles au public.
La ville qui a vu grandir Rolex et tant d’autres maisons de prestige a une autre carte à jouer. C’est l’un des berceaux historiques de l’horlogerie, et la cité est encore aujourd’hui un point de convergence de tous les savoir-faire que les artisans et l’industrie déploient dans le pays.
Si l’esprit de complémentarité est respecté, Genève a toute sa légitimité à avoir son propre musée, avec son regard et son approche de ce douzième art qu’est l’horlogerie. Ajoutant au rayonnement de musées déjà consacrés, à La Chaux-de-Fonds, au Locle, dans les Franches-Montagnes et dans la vallée de Joux.
La Suisse tout entière en sortirait gagnante. Le pays du «Swiss made» n’en fera jamais trop pour valoriser son horlogerie. La montre est peut-être sa meilleure ambassadrice, neutre et universelle par essence. Porteuse d’un message essentiel: le temps appartient à tout le monde, mais la précision à un foyer.