
ÉDITORIAL. Le groupe suisse qui ambitionnait de faire renaître l’industrie photovoltaïque en Europe a déjà un pied dans la tombe. Sa déchéance rappelle la force de frappe industrielle de la Chine et la difficulté de la contrer
En 2012, la «vallée solaire» allemande ressemblait à un champ de ruines dont des entreprises chinoises et sud-coréennes se partageaient les restes industriels. Située à une quarantaine de kilomètres au nord de Leipzig, cette région a représenté pendant une dizaine d’années le cœur de l’excellence photovoltaïque européenne avant d’être laminée par la concurrence asiatique, accusée de casser les prix sur un marché mondial en surcapacité.
Alors que les faillites et les absorptions se succédaient, le patron d’un sous-traitant allemand lâchait une curieuse observation: «S’il n’en reste qu’une en Europe, ce sera Meyer Burger.» Basée à Thoune (BE), cette société qui avait déjà connu une première vie dans la fabrication de machines pour l’horlogerie régnait en maître sur la production de scies à silicium, indispensables maillons de la chaîne de fabrication de panneaux solaires.
Treize ans plus tard, la voici à l’article de la mort industrielle après avoir essayé une nouvelle fois de se réinventer, passant d’équipementier à fournisseur de panneaux solaires. C’est que la Chine n’a pas tardé à mettre au point ses propres machines, l’élève a dépassé le maître.
En promettant un rendement énergétique supérieur à la concurrence asiatique, Meyer Burger espérait pouvoir justifier l’inévitable surcoût de ses panneaux solaires européens. Perçue comme l’ultime espoir pour le continent de réactiver une filière du photovoltaïque, l’entreprise bernoise vient de déposer le bilan en Allemagne, où elle fabriquait ses cellules solaires, quelques jours après avoir licencié ses effectifs aux Etats-Unis. La bourse suisse a suspendu le cours de l’action d’une société qui ne vaut plus que quelque 25 millions de francs.
Condamnée à se démarquer
Des probables erreurs de management au retrait des subventions allemandes, en passant par les changements de politique américaine, les causes qui ont contrarié les ambitions de la firme sont multiples. Aurait-il pu en être autrement? Peut-être. Quoi qu’il en soit, Meyer Burger nous rappelle à quel point l’industrie occidentale est condamnée à disposer d’un avantage compétitif décisif face à la Chine. Pour la majorité des consommateurs, la performance supérieure de la technologie photovoltaïque «made in Switzerland» ne valait pas les milliers de francs de plus à débourser.
Alors que le Financial Times publie une tribune qui vante les mérites de l’économie suisse, capable de briller en dépit d’une devise «super forte», faut-il s’inquiéter de ce constat? Pas plus que de raison. Tandis que les cartes de la mondialisation se rebattent, évitons de sombrer dans une dangereuse autosatisfaction et gardons en tête la recette du miracle économique suisse: des conditions-cadres exceptionnelles et des entreprises obsédées par la différenciation, seules échappatoires à la concurrence asiatique.