
COMMENTAIRE. Les «tariffs» de l’oncle Donald sont un coup dur. Mais les horlogers suisses ont un problème bien plus important, qui était là avant l’assommoir de Washington: ils ont de nouveau produit beaucoup trop de montres
Quand les 39% de droits de douane sont tombés le 1er août dernier, tout le monde a regardé la main qui tenait l’assommoir. Les horlogers ont encaissé le coup de manière frontale: la branche est indéfiniment dépendante de l’exportation; les Etats-Unis sont le premier débouché; et la délocalisation n’est pas une question, les règles du «Swiss made» y veillent – pour obtenir le label, l’assemblage et le contrôle final des montres doivent impérativement être effectués en Suisse.
En réalité, ces tarifs douaniers ne sont qu’une épine dans un pied nickelé, car l’industrie a un autre problème à régler. Une fois encore, les fabricants ont produit beaucoup trop de montres et le marché est totalement saturé. Les sous-traitants de l’Arc jurassien, qui sont toujours en première ligne, ont une expression pour ça: «Les sapins ne montent pas jusqu’au ciel!» Mais ni les marques ni les groupes ne les écoutent jamais, préférant s’accrocher à l’idée d’une croissance continue.
Il faudra du temps pour assainir les inventaires
Quand Trump a frappé – une première fois en avril avec une hausse de 10% de ses tariffs, puis cinq mois plus tard avec les 39% –, les ventes étaient déjà au point mort et les canaux de distribution engorgés. Mais le pire reste à venir, car le premier réflexe des horlogers suisses a été d’expédier tous les stocks disponibles aux Etats-Unis. Avec la demande en berne, il faudra un temps infini pour assainir les inventaires.
Les effets secondaires vont tomber en cascade. Les locomotives de l’industrie vont gagner des parts de marché et resserrer leur autorité sur la distribution. Les marques les plus créatives ou les plus confidentielles vont continuer à faire leur micro-business. Dans tous les cas, le marché gris menace, avec tous les dégâts d’image que cela entraîne. Le secteur a l’habitude. Les crises s’enchaînent et l’industrie ne retient jamais la leçon, tablant toujours sur une demande en expansion. Sauf que cette fois, la perspective est bien bouchée et il n’y aura pas de nouvelle Chine au bout du tunnel.
Plus préoccupant encore, le «logiciel» des acheteurs a changé. Pendant les années de surchauffe, entre 2020 et 2023, la course à la rareté est devenue le motif d’achat principal. Tout le monde cherchait les mêmes modèles impossibles à avoir, et tout ce qui était disponible était déclassé. Sauf qu’aujourd’hui les trophées ne sont plus aussi rares qu’hier.