
En période de volatilité, les investisseurs sont souvent en quête d’opportunités à la fois diversifiées et résilientes. Dans le monde actuel de la gestion de fortune moderne, les actifs non cotés jouent un rôle crucial. Considérés comme les géants de l’économie réelle, ils constituent un pilier stratégique des portefeuilles bien construits. Mais, alors que cette classe d’actifs a longtemps été associée à une forte croissance et à des rendements supérieurs, elle entre aujourd’hui dans une phase de transition qui appelle à davantage de sélectivité, de rigueur et de discernement
Des investisseurs de premier plan, des CEO, des gérants de fonds et des experts se sont réunis récemment dans le cadre d’une conférence pour mettre en avant l’importance des actifs non cotés et leur rôle stratégique dans le profil futur des portefeuilles d’investissement. Plusieurs thématiques majeures ont été abordées lors de leurs discussions, la diversification étant considérée comme cruciale pour accroître la résilience des portefeuilles dans un monde de plus en plus volatil. Ces actifs offrent une approche à long terme moins exposée à la volatilité et au bruit des marchés publics ainsi qu’un accès privilégié à des domaines de croissance tels que l’intelligence artificielle (IA), la transition vers l’énergie propre et l’infrastructure digitale. Ils aident ainsi les investisseurs à bâtir leur fortune sur la base d’évolutions économiques systémiques et non de tendances de marché à court terme. Les participants ont été avertis que, même si les actifs non cotés présentent des opportunités attrayantes, ils ne sont pas une panacée et que le succès implique une approche rigoureuse en matière de sélection et une diligence raisonnable.
Thierry Célestin, Head of Private Assets Client Services chez Lombard Odier, a relevé que 86% de l’économie se composait d’actifs non cotés. Selon lui, la diversification et l’accès à l’économie réelle sont très importants. Il a précisé que, malgré une comparaison moins flatteuse ces deux dernières années face aux marchés boursiers, en raison de la performance du S&P, le private equity avait significativement amélioré la performance des portefeuilles dans la durée. Il a par ailleurs fait état d’un changement de paradigme sur le marché, un nombre croissant de grandes sociétés – notamment dans la technologie – restant en mains privées plus longtemps, une grande partie de la création de valeur a désormais lieu lorsqu’elles sont encore non cotées, avant une potentielle IPO. Il demeure de surcroît convaincu que les possibilités de croissance sont encore nombreuses. Toutefois, beaucoup de gérants de private equity doivent composer avec un stock important d’entreprises acquises à des valorisations élevées, qui doivent encore atteindre leur maturité avant d’être revendues.
Une autre thématique importante était celle du potentiel de reprise. Les attentes en matière d’introduction en bourse (IPO) s’améliorent dans le segment du capital-risque et du capital-développement après trois années de stagnation, et les phases de reprise ont dans le passé généré de solides performances.
L’émergence de solutions telles que les fonds Evergreen ou les véhicules dits «semi-liquides» témoigne d’une volonté d’élargir l’accès aux actifs privés, mais soulève aussi des questions sur la liquidité et l’adéquation entre la structure des produits et la nature sous-jacente des actifs.
Les perspectives de l’immobilier s’améliorent aussi, malgré un certain déclin du financement ces derniers temps. Le volume de transactions a commencé à se redresser, dopé par la pénurie de l’offre et la reprise de la demande dans certains secteurs. Les collectes de fonds dans les infrastructures privées ont marqué le pas pour la première fois en plus d’une décennie, mais cette classe d’actifs reste résiliente, portée par de puissantes dynamiques de fond. L’énergie, renouvelable en particulier, reste en tête, tirée par une demande digitale croissante, les objectifs en matière de transition climatique et la sécurité énergétique. Face aux conflits mondiaux, de nombreux pays semblent opter pour le rapatriement de leur production d’énergie. Les infrastructures digitales augmentent leur part de marché avec constance compte tenu de la demande des infrastructures numériques nécessaires à cette montée en puissance technologique, notamment pour les applications d’IA et de cloud.
L’intelligence artificielle (IA) a été identifiée comme un vecteur de croissance important, alimentant des investissements dans un vaste éventail de secteurs comme la santé ou les assurances. L’IA représente une source d’opportunités d’investissement significatives, mais comporte aussi ses complexités. Pour une mise à l’échelle efficace, les fondateurs ont besoin de partenaires fiables ayant les connaissances requises et pas seulement de capitaux.
Dans cet environnement post-super-cycle, les éléments clés de la performance évoluent. Il s’agit non seulement d’accéder aux bons secteurs, mais aussi d’identifier les tendances profondes qui transforment les modèles économiques (comme l’adoption du numérique, la transition démographique ou l’essor de l’intelligence artificielle) et de sélectionner des gérants capables d’accompagner cette transformation sur le plan opérationnel. Par ailleurs, les valorisations se normalisent et les levées de fonds se concentrent autour des acteurs les plus solides, dans un mouvement de consolidation comparable à celui observé après la bulle internet ou la crise financière de 2008.
Le témoignage d’un représentant de Clarity AI, entreprise privée de technologies de durabilité utilisant l’IA pour aider les investisseurs à évaluer l’impact social et environnemental de leurs décisions, a révélé que leur plateforme augmentait la vitesse de traitement de 40%, avec une précision supérieure à 99%. Située à l’interface de l’IA et de la durabilité, Clarity AI illustre bien que des opportunités plus étendues existent. Les capitaux continuent d’affluer pour soutenir les technologies innovantes et le passage d’entreprises traditionnelles à des modèles d’affaires plus durables.
Cet accent sur l’innovation et la transition a été confirmé par l’analyse selon laquelle la durabilité comporte deux dimensions clés: l’alignement (les entreprises qui accélèrent la transition, évitent de nuire et remplissent les critères sociaux et de gouvernance) et la performance financière, les acteurs qui mènent la transition étant susceptibles d’obtenir les meilleurs résultats financiers en tirant parti des sources de rendement changeantes et émergentes issues de la transition. L’objectif est de rechercher simultanément un impact positif sur le monde réel et un rendement attrayant pour les investisseurs, en appliquant trois principes fondamentaux dans l’évaluation des opportunités: les solutions doivent accélérer la transition vers la durabilité, avoir un coût compétitif et égaler ou surpasser les technologies existantes.
Ces experts de premier plan ont souligné le rôle stratégique croissant des actifs non cotés comme élément central d’une stratégie d’investissement moderne. Pour autant, les actifs non cotés ne sont pas une panacée. Mais pour les investisseurs patients, bien informés et rigoureux dans leur sélection, ils restent un levier puissant pour capter les opportunités issues de la transformation de l’économie mondiale – à condition d’en maîtriser les risques, les horizons et les cycles.