
La branche tech a enregistré son huitième trimestre consécutif de repli. Entre janvier et mars 2025, seule l’Asie affiche pourtant un recul, écrasée par l’affaissement de la demande chinoise. En Europe, c’est le partenaire allemand qui freine des deux pieds
L’industrie tech suisse continue de chercher son souffle. De janvier à fin mars, les entreprises du secteur des machines, des équipements et des métaux ont vu leur chiffre d’affaires global fléchir de 3% en comparaison avec la même période de 2024, alors que les entrées de commandes sont restées quasiment inchangées (-0,3%). Par rapport au trimestre précédent, la valeur des exportations sur les trois premiers mois de l’année affiche toutefois une légère progression de 0,7% à 17 milliards de francs, selon le communiqué de presse publié mardi par l’organisation faîtière Swissmem.
Au niveau des grandes régions, seule l’Asie, troisième zone d’exportation avec une part de 18,5%, présente une contraction (-6,6%). La chute de la demande chinoise (-17,8%) a pesé de tout son poids, gommant la bonne tenue du Japon ( 12,6%). L’Europe, premier débouché avec une part de 56,5%, est restée proche du niveau de l’an précédent, avec 0,8%. C’est cette fois l’Allemagne qui freine l’avancée. Le principal partenaire de la branche, qui compte pour 23,3% des exportations, a reculé de 2,5%. Alors que la demande est restée positive sur la plupart des autres pays, France ( 2,3%), Italie ( 2,1%), Grande-Bretagne ( 2,8%), Espagne ( 2,2%), la palme revenant à l’Autriche avec 6,4%. Les statistiques trimestrielles indiquent encore une progression de 5,3% aux Etats-Unis.
Elles soulignent également la grande disparité qui prévaut au sein même du secteur. La machine-outil présente la plus forte baisse à -17,4%, alors que les machines pour plastiques sont en hausse de 15,4%.
Réduction d’horaire de travail étendue à 24 mois
Le taux d’utilisation des capacités de production dans les entreprises est également tombé sur la période sous revue, à 81,1%, un niveau de bas de cycle, nettement inférieur à la moyenne à long terme de 86,0%. Le nombre d’employés reste cependant stable. Lors du dernier pointage de février 2025, le secteur employait près de 330 000 personnes à temps pleins ou partiels. Sans évolution notable par rapport aux années précédentes.
La faîtière Swissmem rappelle toutefois que la situation est tendue, alors que la baisse conjoncturelle dans l’industrie tech suisse dure depuis deux ans. La direction souligne que de nombreuses entreprises ont introduit la réduction d’horaire de travail (RHT) depuis des mois. Certaines d’entre elles atteindront bientôt la limite de la durée maximale d’indemnisation de 18 mois. Martin Hirzel, président de Swissmem, souligne l’importance de l’extension de la RHT à 24 mois, en discussion au parlement: «Cette prolongation est nécessaire, car il n’est pas encore possible de prévoir quand la reprise se fera sentir. Cela donne aux entreprises concernées une certaine sécurité de planification et permet d’éviter les licenciements.»
Pour rappel, la règle en matière d’indemnisations en cas de RHT est un versement pendant douze mois. L’an dernier, le Conseil fédéral a étendu cette durée à 18 mois. La Commission de la sécurité sociale du Conseil des Etats veut aller plus loin. Elle a décidé d’élaborer une initiative parlementaire visant à donner au Conseil fédéral la compétence de rallonger la durée du chômage partiel à 24 mois au maximum. Les services du parlement ont indiqué mi-mai que la modification de la loi doit être déclarée urgente, afin de permettre une entrée en vigueur rapide.
Entre les mains de la diplomatie suisse
Le directeur de Swissmem, Stefan Brupbacher, cité dans le communiqué de presse, témoigne de toutes les incertitudes qui planent sur le secteur: «Les chiffres du premier trimestre sont décevants. Sans compter que ces chiffres ne tiennent même pas compte de l’impact des droits de douane américains supplémentaires de 10% et de la menace de 31%. Les grandes incertitudes géopolitiques se poursuivent et continuent de freiner la demande de biens de l’industrie tech suisse. Les risques de baisse sont considérables. » De quoi ajouter de la pression dans un contexte déjà délicat, la branche ayant enregistré son huitième trimestre consécutif de repli.
Si les droits de douane américains devaient entrer en vigueur au niveau annoncé le premier avril par Donald Trump ( 31% pour la Suisse), cela toucherait durement l’industrie tech, selon l’association. «La politique doit agir de toute urgence.» Swissmem appelle notamment à conclure le plus rapidement possible l’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur qui forment la plus grande zone de libre-échange d’Amérique du Sud.