ÉDITORIAL. L’ancienne start-up américaine a déposé le bilan, terrassée par la diffusion du télétravail. Sur fond d’argent facile, WeWork incarne les excès financiers des années 2010. Une longue parenthèse heureusement fermée
En apparence, si vous pénétrez dans un espace de travail de l’ancienne start-up américaine WeWork, vous ne remarquerez rien d’inhabituel. C’est en tout cas la promesse de l’ancienne coqueluche des investisseurs qui a déposé mardi son bilan aux Etats-Unis et au Canada. Regardez-y de plus près et tout un pan de l’histoire économique de ces quinze dernières années s’ouvrira à vous.
Pensé au début de la crise financière de 2008, le modèle d’affaires de la start-up new-yorkaise se résumait à offrir à des nomades numériques un univers de travail aux repères communs dans toutes les grandes villes du monde. Rien de révolutionnaire. Assez pourtant pour faire tourner bien des têtes. Profitant des conditions financières ultra-accommodantes des années 2010, la société ouvre des bureaux aux quatre coins de la planète et aiguise l’appétit de SoftBank. Fondée par l’un des actionnaires initiaux d’Alibaba, cette société japonaise va jeter des bidons d’essence sur la bulle en formation des valeurs de la tech.
### De la valorisation stratosphérique au désenchantement
Bien que WeWork ne propose aucune innovation particulière, l’entreprise atteint, en 2017, la valorisation astronomique de 47 milliards de dollars. Avant de frapper à la porte de Wall Street et de dévoiler ses faiblesses. Celle que l’on prenait pour un Uber de l’immobilier se révèle être un tigre de papier. WeWork ne vaut plus que 9 milliards, lorsqu’elle entre en bourse deux ans plus tard. Elle ne pèse aujourd’hui que… 44 millions de dollars.
En modifiant profondément nos habitudes de travail, la pandémie a en effet porté ce qui pourrait être le coup de grâce à l’ancienne licorne. Au coworking, les Américains préfèrent désormais le travail à domicile, ce qui a entraîné une douloureuse correction du marché de l’immobilier de bureau outre-Atlantique.
WeWork s’est au final révélée être un coûteux miroir aux alouettes. La société, qui espère encore survivre en restructurant sa dette, est en fait emblématique. Elle témoigne de l’incroyable emballement que la révolution numérique en devenir, combinée à des taux d’intérêt quasi nuls, a entraîné. Une période durant laquelle il suffisait presque de lâcher le mot «disruption» pour appâter des investisseurs trop naïfs.
On ne peut que se féliciter que les banques centrales aient mis fin à l’ère de l’argent gratuit. En faussant les règles du marché, les banques centrales ont provoqué une débauche d’investissements dont WeWork a représenté la quintessence mais qui n’est de loin pas un cas isolé. D’autres start-up qui promettaient de changer le monde se cachent aujourd’hui pour mourir en toute discrétion. Un phénomène inhérent à toute économie mais qu’une politique monétaire inédite a méchamment exacerbé.