Vers une modernisation de la loi suisse sur les cartels
Le Conseil des Etats a éliminé jeudi les dernières divergences, en vue d’une révision de la loi destinée à mieux contrôler les concentrations
Le Conseil des Etats a éliminé jeudi les dernières divergences d’une révision de la loi sur les cartels qui améliore le contrôle des concentrations.
La révision prévoit la modernisation du contrôle des concentrations, qui sera adaptée à la pratique internationale avec le test SIEC (Significant Impediment to Effective Competition). Les concentrations qui affectent la concurrence de manière significative pourront ainsi être interdites de manière plus ciblée ou autorisées moyennant des charges ou des conditions. La commission de la concurrence (Comco) pourra intervenir plus rapidement. Le droit civil des cartels sera aussi renforcé. Les consommateurs et les pouvoirs publics pourront intenter une action civile et demander des prétentions en dommages-intérêts.
Le rôle des cartels dans le développement économique suisse
Si la Suisse n’a jamais pratiqué des politiques industrielles classiques, cela ne veut pas dire que les autorités n’ont pas soutenu leur économie par d’autres voies détournées, précise l’historien Laurent Tissot, citant en premier lieu les cartels: «Un historien allemand a démontré que la Suisse était, en 1956, le pays le plus cartellisé au monde. Des ententes qui se faisaient parfois avec l’intervention de l’Etat ou sans. A cette époque, le cartel est perçu comme quelque chose de positif, dans l’esprit du libéralisme selon lequel on fait ce qu’on veut.» Selon Laurent Tissot, paradoxalement, de tels accords – dénoncés parce que faussant la concurrence – sont compris comme des politiques industrielles visant à défendre les secteurs menacés justement par la concurrence. De la construction à la bière en passant par l’horlogerie, ces ententes ont largement contribué au développement du socle industriel sur lequel la Suisse repose aujourd’hui.
Cette approche comble une lacune en matière de responsabilisation, mais elle va nettement moins loin que la réglementation européenne. Cette extension n’est par ailleurs pas liée au projet du Conseil fédéral sur l’exercice collectif des droits.
Une évaluation au cas par cas
Le point le plus controversé du projet concerne l’évaluation des accords cartellaires illicites. Le droit en vigueur se contente de préciser que les accords qui affectent de manière notable la concurrence et qui ne sont pas justifiés par des motifs d’efficacité économique sont illégaux.
Le National veut introduire une évaluation au cas par cas. Il faut d’une part prendre en compte les éléments tant qualitatifs que quantitatifs lors d’une évaluation, ce qui répond à une ancienne demande du Parlement. Et d’autre part prouver le caractère effectivement dommageable d’un accord ou du comportement abusif d’une entreprise dominante. Par 27 voix contre 12, les sénateurs se sont ralliés à ce point de vue.
Hannes Germann (UDC/SH) a estimé que cette proposition était trop complexe. Il deviendra quasiment impossible de prouver qu’un cartel existe, même si ce dernier est déjà présent de facto. Il a vainement tenté d’assouplir cette disposition afin de protéger au final les consommateurs.
Carlo Sommaruga (PS/GE) a également alarmé sur une lutte plus ardue de la Comco contre les cartels. Cette disposition aurait des effets négatifs, surtout pour les PME du secteur de l’hôtellerie.
Le Conseil fédéral était aussi opposé à l’ajout du National. On risque un «affaiblissement considérable» de la loi, a averti le ministre de l’économie Guy Parmelin. Les procédures administratives risquent de durer encore plus longtemps.
Le Conseil des Etats avait aussi introduit une dérogation à la loi sur les cartels en faveur des ligues de sport professionnel, notamment en ce qui concerne un éventuel cadre général pour les salaires des joueurs. Le National n’en ayant pas voulu, le Conseil des Etats y a renoncé.