Avec une inflation faible et la force persistante du franc, la baisse du taux directeur de la BNS pourrait se poursuivre jusqu’en territoire négatif. Elle soulagerait les emprunteurs mais compliquerait la recherche de performance des investisseurs
L’information vous aura peut-être échappé dans le tumulte des élections américaines: le nouveau président de la Banque nationale suisse (BNS), Martin Schlegel, n’exclut pas un retour aux taux d’intérêt négatifs. Bien que cette option ne soit pas envisagée dans l’immédiat, la question mérite d’être posée: un retour à un environnement de taux négatifs est-il vraiment plausible, et quel en serait l’impact?
La BNS a déjà abaissé son taux directeur à trois reprises cette année, le faisant passer de 1,75% en janvier à 1% en septembre. Cette tendance baissière pourrait bien se poursuivre: les marchés financiers anticipent en effet une nouvelle baisse d’au moins 0,75% d’ici à septembre 2025, plaçant ainsi le taux juste au-dessus de zéro, soit entre 0% et 0,25%.
Ce seuil laissera peu de marge de manœuvre à la BNS au second semestre de l’année prochaine, ce qui pourrait pousser la banque nationale à envisager des mesures non conventionnelles, tel un retour aux taux négatifs.
Pourquoi un retour aux taux négatifs?
Tout d’abord, il est important de noter que si l’inflation atteignait 2,5% en 2023, elle a considérablement diminué depuis, s’établissant à seulement 0,6% en glissement annuel en octobre. De plus, la Suisse vient de connaître cinq mois consécutifs d’inflation nulle ou négative, une situation inédite depuis 2020.
Dans ce contexte, un retour aux taux d’intérêt négatifs pourrait constituer un levier pour stimuler l’économie et éviter une déflation prolongée. En effet, cette politique monétaire permettrait d’encourager les investissements et la consommation, tout en empêchant une éventuelle spirale déflationniste qui nuirait à la croissance économique du pays.
L’impact du franc fort face à l’euro
Un autre facteur qui pourrait inciter la BNS à baisser les taux sous le seuil de zéro est la force persistante du franc suisse par rapport à l’euro. Les marchés financiers anticipent entre cinq et six baisses de taux d’ici à septembre 2025 de la part de la Banque centrale européenne (BCE), à raison de -0,25% par réduction, contre seulement trois baisses pour la BNS.
Si ces prévisions se confirment, le différentiel de taux entre la Suisse et la zone euro devrait diminuer et, par voie de conséquence, renforcer le franc suisse.
Les effets d’un retour aux taux négatifs
Un éventuel retour aux taux négatifs pourrait avoir des effets contrastés. Du côté des emprunteurs, notamment les détenteurs d’hypothèques et les entreprises, cette mesure réduirait leurs coûts d’emprunt et de financement. En revanche, les investisseurs et les caisses de prévoyance auraient plus de difficulté à assurer le rendement minimum de 1% imposé par la LPP, à moins d’accroître leur prise de risques.
Une décision incertaine mais envisageable
La possibilité d’un retour aux taux d’intérêt négatifs par la BNS reste incertaine mais plausible. L’inflation, la force du franc suisse et les stratégies monétaires de la BCE sont autant de variables qui détermineront la décision finale de la banque nationale. Une chose est sûre toutefois: un retour aux taux négatifs ne sera pas sans conséquences, et la BNS devra en soupeser soigneusement les avantages et les inconvénients avant de s’engager dans cette voie.