La marque genevoise devra payer 87 millions de francs d’amende. L’autorité de la concurrence française la juge coupable d’avoir interdit à ses distributeurs de vendre ses montres en ligne
L’Autorité hexagonale de la concurrence sanctionne Rolex en France, lui enjoignant de payer 91,6 millions d’euros (environ 87 millions de francs au cours actuel) pour avoir interdit à ses distributeurs agréés de vendre en ligne ses montres pendant plus de dix ans.
L’Autorité de la concurrence amende Rolex France solidairement avec la société Rolex Holding SA, la fondation Hans Wilsdorf propriétaire de l’entreprise (engagée financièrement dans la Fondation Aventinus, propriétaire du Temps SA) ainsi que la société Rolex SA «en raison des liens capitalistiques, organisationnels et juridiques», selon le communiqué paru mardi. L’amende est «assortie d’une injonction de communication et de publication».
En France, la marque à la couronne «de par sa notoriété et sa part de marché, est, selon plusieurs sources concordantes, l’acteur le plus important du marché», rappelle le document. Depuis le début de l’année, l’Hexagone est la huitième destination de montres helvétiques, selon les données de la Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH).
Le régulateur avait été saisi par l’Union de la Bijouterie Horlogerie, qui regroupe 2700 professionnels, et la société Pellegrin & Fils, un joaillier diamantaire disposant de boutiques dans le sud de la France. Il «considère, en effet, que les stipulations du contrat de distribution sélective liant Rolex France à ses distributeurs caractérisent une entente verticale restrictive de concurrence».
### Vente en ligne pratiquée par les concurrents
L’Autorité a rejeté l’argument de la filiale française du fabricant genevois «qui consistait notamment à justifier l’interdiction de la vente en ligne par la nécessité de lutter contre la contrefaçon et le commerce parallèle».
Le gendarme hexagonal de la concurrence note que les principaux concurrents de Rolex, «qui sont confrontés aux mêmes risques, autorisent, sous certaines conditions, la vente en ligne de leurs produits». Ces derniers ont «mis en place des solutions (notamment technologiques) permettant de concilier vente en ligne et lutte contre la contrefaçon et la vente hors réseau».
L’instance «considère que ces pratiques sont graves, car elles reviennent à fermer une voie de commercialisation, au détriment des consommateurs et des distributeurs, alors que la distribution en ligne connaît depuis quinze ans un essor croissant pour les produits de luxe, y compris les montres».
Rolex est l’un des rares fabricants à ne pas disposer de points de vente en propre, à l’inverse de ses concurrents comme Swatch ou les marques du genevois Richemont. La plus grande marque horlogère de luxe au monde a toutefois changé de stratégie en rachetant l’été dernier l’un des principaux détaillants horlogers et joailliers, le lucernois Bucherer. C’est avec lui qu’il a également développé la vente sur internet de montres d’occasion (Certified Pre-Owned).
Cet aspect n’a pas échappé à l’autorité parisienne. «Au surplus, Rolex a elle-même développé, en lien avec l’un de ses distributeurs, un programme permettant d’acheter en ligne des montres d’occasion dont elle garantit l’authenticité. L’interdiction absolue de la vente en ligne de ses produits ne peut, partant, se justifier», assène-t-elle.
L’Autorité a en revanche écarté le grief de prix de revente imposés à ses distributeurs, qui avait été notifié à Rolex. Elle a, en effet, estimé que les éléments du dossier ne permettaient pas de démontrer que Rolex France avait restreint la liberté tarifaire de ses distributeurs agréés.
Contacté par l’agence AWP, Jean-Philippe Bertschy, analyste chez Vontobel, «ne pense pas que le modèle d’affaires de Rolex va changer avec cette décision. La position et le capital de la marque sont tellement forts que la demande va rester élevée ces prochaines années.» Sollicitée par _Le Temps_, Rolex ne souhaite pas commenter cette décision qui peut faire l’objet d’un recours.
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