
ÉDITORIAL. Les Etats-Unis continuent de maintenir la pression pour couper la Chine d’un approvisionnement en semi-conducteurs de dernière génération. Mais entre le besoin d’accès au marché chinois des entreprises américaines et les capacités d’innovation du pays, cette stratégie semble vouée à l’échec
Malgré la trêve sur les taxes douanières, les Etats-Unis n’entendent pas lâcher du lest sur les restrictions d’exportations de puces de pointe vers la Chine. Pour Washington, ralentir le développement de Pékin dans le domaine de l’IA et des semi-conducteurs est devenu un enjeu de sécurité nationale. Et le changement d’administration n’a pas fait bouger les lignes.
Le 13 mai, Donald Trump a cependant mis fin à une des ultimes mesures de son prédécesseur, Joe Biden, deux jours avant son entrée en application, qui entendait limiter les livraisons des puces américaines les plus sophistiquées à un grand nombre de pays, dont la Suisse. Mais dans le même temps, Washington a laissé planer la menace de sanctions contre ceux qui utiliseraient des semi-conducteurs chinois, notamment les puces Ascend de Huawei.
L’opposition de Nvidia
Cette politique a été critiquée cette semaine par une voix qui pèse dans le secteur, celle de Jensen Huang, patron de Nvidia, qualifiant d’échec les mesures de l’ère Biden. Le géant américain a lui-même cherché à contourner ces restrictions en mettant au point des versions bridées de ses puces de dernière génération pour le marché chinois. Une posture compréhensible car la Chine, marché stratégique pour l’entreprise, pesait pour 13% de son chiffre d’affaires en 2024.
Visé par de nouvelles interdictions, le leader mondial des processeurs graphiques utilisés pour le développement d’intelligences artificielles estime que ces restrictions poussent Pékin à accélérer le développement de ses capacités propres et laisse le champ libre à ses concurrents chinois sur un marché estimé à 50 milliards de dollars.
Des avancées surprenantes
Difficile de lui donner tort quand on voit qu’aujourd’hui les processeurs de Huawei sont présentés comme une menace alors que l’on disait la Chine encore en net retard dans le domaine. L’Empire du Milieu forme aujourd’hui suffisamment d’ingénieurs et de scientifiques pour s’assurer de ne pas rester longtemps à la traîne dans n’importe quel domaine. L’époque de l’«atelier du monde» est bel et bien révolue pour ceux qui en doutaient encore.
Ces dernières années, les preuves de la force d’innovation chinoise dans le domaine se sont multipliées. L’arrivée de DeepSeek en début d’année a secoué le monde de la tech. Certes, la pression américaine complique la tâche de l’industrie chinoise. Celle-ci n’a pas encore de capacités propres pour certains éléments cruciaux dans l’industrie des semi-conducteurs, notamment les machines utilisées pour produire les puces les plus avancées. Mais la présence de composants électroniques occidentaux dans de l’armement russe, malgré les sanctions, montre les limites d’une stratégie d’isolement.