
ÉDITORIAL. L’industrie pharmaceutique n’est plus épargnée par les droits de douane. La problématique de la protection du secteur dépasse celle des emplois et des recettes fiscales, mais pose la question de la pérennité de la place suisse
L’industrie pharmaceutique suisse s’est construite autour de Bâle, et de géants de la chimie passée des colorants aux médicaments. Une manière rapide et simpliste de résumer un siècle d’histoire, mais surtout des décennies d’innovations. Si, aujourd’hui, l’industrie pharmaceutique reste très concentrée dans la région bâloise, autour des géants que sont NOVARTIS, ROCHE ou encore Lonza, elle a essaimé dans de nombreux cantons. Formant un véritable écosystème des sciences de la vie.
Mais les mesures douanières de Donald Trump menacent cet ensemble. Tout comme ses exigences de voir la production concentrée sur le sol américain et les entreprises pharmaceutiques baisser leurs prix. Le Conseil fédéral semble avoir pris conscience de l’enjeu, et a rencontré il y a une semaine les représentants de la branche. Mais aucune solution ni plan de bataille concret n’a encore émergé. Se rassurer en se disant que, jusqu’à présent, la pharma a échappé aux droits de douane et que la mesure annoncée le 26 septembre devrait épargner les grands groupes helvétiques serait une erreur.
La question n’est pas la survie de ROCHE ou Novartis. Les deux géants bâlois font depuis des mois des efforts pour contenter Donald Trump. L’un et l’autre ont annoncé des dizaines de milliards de francs d’investissements aux Etats-Unis pour la construction de nouvelles usines. NOVARTIS vient même de déployer une plateforme de vente directe pour faire baisser les coûts d’un de ses traitements pour les patients américains.
Pas de R&D sans industrie
Le maintien d’un secteur industriel plus fort que chez nos voisins s’explique en bonne partie par la présence des entreprises pharma. Une délocalisation de la production outre-Atlantique serait un mauvais signal. Pour le moment, ces grands groupes assurent que l’investissement consenti aux Etats-Unis ne se fait pas au détriment de l’Europe et, plus particulièrement, de la Suisse. Mais une place pharmaceutique suisse cantonnée à la recherche et au développement ne paraît pas réaliste. Un rapprochement des centres d’innovation et de production, en revanche, paraît cohérent sur le plan industriel.
D’autant que ces dernières années, Boston, au Massachusetts, est devenue le pôle mondial incontesté des biotechnologies. Dans la pharma, la complexité des installations et des certifications fait que les décisions se prennent avec une vision à très long terme. Mais, même si dans trois ans et demi Donald Trump ne sera plus au pouvoir, ses idées pourraient perdurer. Plus que des emplois ou des recettes fiscales, avec un départ de la pharma, la Suisse pourrait perdre un des moteurs de l’innovation qui font sa prospérité.