
CHRONIQUE. Malgré son inefficacité, le protectionnisme séduit largement les votants. Bryan Caplan montre que l’irrationalité électorale, loin d’être accidentelle, est normale en démocratie. Pour être élus, les politiciens en tiennent compte
Un temps, je m’étais fixé une règle contraignante: ne lire que des livres d’auteurs déjà morts. L’idée étant que le temps sélectionne les livres qui méritent d’être lus et nous débarrasse des autres qui, malgré leur intérêt, finissent rapidement par être dépassés. Si un auteur contemporain est réellement digne d’intérêt, il le sera toujours dans vingt ans. Cette approche a eu pour conséquence que j’avais souvent l’impression perturbante, en lisant des livres anciens, d’y trouver des arguments d’une étonnante actualité. Comme si l’histoire se répétait sans cesse et que nous refusons d’en tirer des leçons. Parmi les auteurs dont la pertinence résiste au temps, l’économiste Frédéric Bastiat (1801-1850) tient une place centrale.
Bastiat s’intéressait déjà aux causes qui expliquent qu’une société prenne des décisions irrationnelles sur le plan économique. Il tentait de rendre son lecteur attentif au fait qu’«un acte n’engendre pas seulement un effet, mais une série d’effets. De ces effets, seul le premier est immédiat; il se manifeste simultanément avec sa cause, on le voit. Les autres ne se déroulent que successivement, on ne les voit pas.» Ainsi, appliquée aux tarifs douaniers, la démonstration est la suivante: quand Trump décide d’introduire de nouvelles barrières commerciales en argumentant qu’il veut protéger les Américains de la concurrence chinoise dans un secteur donné, c’est ce qu’on voit. Or, ces mesures auront des conséquences indirectes négatives, comme de l’inflation, ou encore des mesures de rétorsion du pays sanctionné. Ces mesures viendront toucher un secteur et des travailleurs qui n’avaient rien demandé. Au final, prise dans son ensemble, cette politique sera négative pour le pays. C’est ce qu’on ne voit pas.
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