
Fabricant de machines pour l’industrie horlogère, le groupe bernois s’est reconverti avec bonheur dans les scies à silicium. Avant d’être vampirisé dans les années 2010 par la concurrence chinoise et de tenter une renaissance pour l’heure contrariée
En 2022, tous les voyants étaient au vert pour l’entreprise Meyer Burger. Installé à Thoune dans l’Oberland bernois, le groupe industriel avait soigneusement préparé sa renaissance. Les entreprises chinoises avaient réussi à l’égaler dans la production de scies à silicium pour l’industrie des panneaux photovoltaïques? Ils verraient bien ce dont la technologie suisse était capable.
Misant sur des modules plus chers mais plus performants développés avec l’aide du CSEM (Centre suisse d’électronique et de microtechnique), à Neuchâtel, l’entreprise avait lancé la contre-attaque et vivait son «momentum». Portée par la volonté de réduire la dépendance européenne envers celle qu’on a appelée pendant des décennies l’«usine du monde», elle annonçait des carnets de commandes pleins à craquer et percevait un certain regain d’intérêt de la part des investisseurs.
Retrait des soutiens publics
Mais au moment même où son patron, Gunter Erfurt, affichait ses ambitions, la concurrence chinoise, durement taxée aux Etats-Unis, se mettait à déferler sur l’Europe où l’inflation rendait les clients beaucoup plus regardants sur les prix. Coup de grâce, Berlin, acculé par son frein à l’endettement, supprimait son soutien public, indispensable à la renaissance du phénix qui produit ses modules à Freiberg (Saxe) dans une usine que la première crise du solaire en Europe il y a 15 ans avait rendu disponible.
En début d’année, Meyer Burger tente le tout pour le tout et annonce son intention de quitter l’Europe pour les Etats-Unis. Là où le plan Inflation Reduction Act lui promet un avenir plus rose puisqu’il fait miroiter des soutiens à ce type d’industrie. Après quelques semaines de suspense, le groupe confirme son intention de fermer son usine allemande.
Une conquête qui tourne court
Mais de l’autre côté de l’Atlantique, tout ne se passe pas non plus comme prévu puisque le fabricant de panneaux annonce devoir renoncer à la construction d’une deuxième usine dans le Colorado, faute de financements. Dans la foulée de cette nouvelle, son patron prend la porte et une sévère restructuration est lancée avec 200 emplois qui devraient disparaître d’ici fin 2025.
La descente aux enfers ne s’arrête pas là: mi-novembre, le principal client de Meyer Burger lui fait faux bond. Le négoce de l’action doit être suspendu un temps à la bourse suisse tant le titre est malmené. Lui qui valait un peu plus de 8 francs fin janvier descendra jusqu’à 33 centimes le 21 novembre. La faillite de ce fleuron industriel n’est plus écartée.
Le cours remonte à 3,20 francs le 9 décembre puisque, enfin, une nouvelle positive vient mettre un terme à cette série noire. Meyer Burger a annoncé au début du mois avoir obtenu un financement relais à 39,48 millions de francs. Seul hic: pour bénéficier de cette somme, le groupe oberlandais doit convaincre un important client de lui accorder de nouveau sa confiance.
En fin de semaine dernière, le titre était redescendu et se négociait à 2,35 francs. Il faut dire que la tâche s’annonce ardue pour le groupe bernois. Elle sera suivie de près l’an prochain, tant le destin de Meyer Burger concentre et résume tous les enjeux économiques, écologiques et technologiques actuels pour l’Europe: résister à la concurrence chinoise, éviter la désindustrialisation et créer ses propres champions. Un sacré défi.
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