Les gérants indépendants suisses mécontents de leur surveillanceLes petites sociétés de gestion disent souffrir face au système de supervision en place depuis 2020, qu’elles décrivent comme plus coûteux et occasionnant une surcharge de travail administratif. La Finma répond point par point Les gérants de fortune sont mécontents de la surveillance dont ils font l’objet. Vécu par certains comme inefficient, formaliste et coûteux, le nouveau système en place depuis janvier 2020 est supervisé par la Finma, mais la surveillance au quotidien est confiée à cinq organismes de surveillance (OS) créés pour l’occasion. Devant dorénavant détenir une licence pour exercer, les gérants de fortune indépendants (GFI) sont également tenus d’adhérer à des organes de médiation, pour le règlement des conflits avec les clients. Plusieurs représentants du secteur tirent la sonnette d’alarme. Les craintes sont même existentielles, à en croire certains acteurs, qui pointent la réduction du nombre de GFI depuis l’entrée en vigueur des lois qui définissent ce nouveau régime, les LSFin et LEFin (lois sur les services et établissements financiers), il y a plus de 5 ans. Avant le changement de système, la Finma avait identifié 2589 sociétés de gestion et trustees qui auraient eu besoin d’une autorisation pour poursuivre leur activité (d’importants délais transitoires étaient prévus). A ce jour, 1136 GFI ont reçu leur sésame. Le marché aurait donc perdu plus de 40% de ses acteurs. Crainte d’une hécatombeL’hécatombe pourrait se poursuivre, s’inquiète un représentant du groupement Access, qui rassemble une vingtaine de GFI romands. «Le nouveau régime pousse vers l’excellence, mais cette surveillance à différents étages est inefficiente et coûteuse. Elle engendre une charge administrative disproportionnée qui détourne finalement le gérant de sa véritable activité, qui doit être de s’occuper de ses clients», déclare François Meylan, GFI basé à Morges (VD) et membre de la direction d’Access. Depuis plus d’un an, Access a partagé ses craintes auprès de la Finma et du Département fédéral des finances. Des échanges ont eu lieu, davantage pour expliquer le nouveau système (qui s’applique aussi aux trustees) que pour le faire évoluer. En pratique, les sociétés de gestion indépendantes doivent être mieux structurées qu’auparavant, avec des processus documentés. Au quotidien, «nous devons remplir des questionnaires répétitifs et inappropriés car conçus pour des banques, pas des PME», détaille François Meylan à titre d’exemple. Dite «prudentielle», la surveillance actuelle des GFI est nettement plus étendue que celle pratiquée auparavant, limitée au respect de la législation en vigueur sur le blanchiment d’argent et à l’obligation de diligence, avance pour sa part la Finma, qui a longuement répondu à nos questions. Les éléments à auditer sont par conséquent beaucoup plus nombreux qu’auparavant, précise l’Autorité de surveillance des marchés financiers. Pas de tri dans le marché, dit le marchéDes observateurs soupçonnent la Finma d’utiliser le nouveau régime pour assainir le marché de la gestion indépendante, c’est-à-dire limiter le nombre de ses acteurs en éliminant les plus petits. Une vision vigoureusement démentie par le gendarme de la finance, qui souligne que les microentreprises aussi peuvent remplir les exigences légales accrues de la LEFin et de la LSFin, et donc obtenir une autorisation d’exercer. La plupart des GFI ayant reçu la licence sont des sociétés anonymes employant moins de trois personnes à plein temps. «Notre approche est fondée sur les risques spécifiques à chaque établissement, avec une surveillance proportionnelle, nous ne procédons donc pas à un assainissement du marché», nous a répondu la Finma. La question des coûts est également centrale dans ce dossier. Ceux de l’activité elle-même ont pris l’ascenseur. Les coûts d’audits sont plus élevés et les GFI recourent désormais beaucoup plus à des prestataires externes, par exemple spécialisés dans la gestion du risque et de la conformité, car le nouveau régime instaure une séparation des fonctions de contrôle et de celles qui génèrent des revenus. Pour les petites structures n’ayant pas les moyens d’embaucher un responsable du risque ou de la «compliance», la sous-traitance à des spécialistes externes est la seule option. Inflation des coûtsPuis il y a la surveillance. Entre les frais de la Finma et ceux des OS, la facture peut dépasser 10 000 francs par an pour certains GFI, relevait mi-juillet l’ASG, la plus grande association professionnelle du secteur. Avec aussi une inflation jugée alarmante: pour 2025, la taxe de surveillance de la Finma s’élève en moyenne à 6484 francs par société de gestion, contre 3148 en 2023, selon l’ASG. Ces coûts plus élevés sont la conséquence logique de la surveillance plus étendue désormais pratiquée en Suisse, répond encore la Finma, qui précise que la majeure partie des charges est consacrée aux charges de personnel et que sa taxe devrait baisser à l’avenir. Le paiement de la taxe Finma reprend une logique pyramidale. La Finma calcule (et publie) ses coûts pour ses différentes activités et les émoluments qu’elle facture pour chacune d’entre elles. Pour ce qui concerne les GFI et les trustees autorisés, la différence entre ces deux montants est ensuite facturée aux OS au prorata du nombre d’entreprises qu’ils supervisent. «Chaque OS est libre de décider comment il répartit ces coûts facturés par la Finma entre les sociétés qu’il surveille. Chez nous, il est divisé par le nombre d’entités», rappelle Philippe Cornebise, directeur de SO-FIT, un OS genevois qui fait aussi office d’OAR (les structures chargées de surveiller le respect de la loi sur le blanchiment par d’autres acteurs comme les fiduciaires ou les single family offices). Concernant les frais de surveillance des OS, là aussi plusieurs modèles coexistent, certains facturant selon le temps consacré à chaque établissement ou différents critères, d’autres selon des émoluments fixes. Les petits ne veulent pas payer pour les grandsLa répartition de la taxe Finma selon le nombre de GFI est jugée inéquitable par certains acteurs du secteur, les petits ayant l’impression de payer pour les grands. «En réalité, la difficulté de la surveillance n’est pas liée à la taille; de petites structures peuvent avoir des activités complexes, être en mutation permanente ou utiliser des produits sophistiqués qui nécessitent une supervision plus poussée», poursuit Philippe Cornebise, de SO-FIT, qui surveille près de 450 sociétés au total avec des effectifs entre huit et neuf postes en équivalents plein-temps. Les frais liés aux autorisations sont à l’inverse facturés individuellement aux sociétés concernées, mais là aussi avec un sentiment d’opacité. Un GFI nous a expliqué avoir demandé un décompte précis pour la facture de près de 8000 francs liée à l’obtention de la licence. En insistant un peu, il obtient de pouvoir le recevoir, mais ce sera payant. Effaré, il renonce: «Ce manque de transparence est choquant de la part d’une autorité qui nous demande par ailleurs une transparence totale sur nos sociétés, nos employés, nos comptes personnels et même ceux de nos enfants!», dénonce-t-il. Sur le principe, les intermédiaires financiers surveillés doivent s’acquitter des coûts engendrés, précise la Finma. Il s’agit notamment des charges de la Finma pour l’autorisation et la surveillance des cinq OS ainsi que pour l’autorisation, la surveillance intensive et la procédure d’enforcement des gestionnaires de fortune et des trustees, qui ne sont pas déjà couvertes par des émoluments. «Or il n’est pas toujours possible d’attribuer et d’imputer les charges à un établissement spécifique», précise l’Autorité. L’enforcement correspond aux mesures que la Finma ordonne aux sociétés de mettre en place pour rectifier une situation. Un GFI ne peut pas contester juridiquement les frais qui lui sont directement facturés; seuls les OS le peuvent, «mais à notre connaissance, aucun ne l’a fait, vu les faibles chances de succès», relève encore l’ASG. Système en place… pour le momentUne solution à ce malaise général serait de revenir au régime de supervisions précédent, en supprimant les OS, mais en gardant la surveillance plus large que celle des seules questions de blanchiment, suggère le groupement Access, fondé en 2014. Le système actuel est défini par les lois LSFin et LEFin, et tant qu’elles sont en vigueur, il n’évoluera pas, nous ont répondu plusieurs connaisseurs du secteur. Même son de cloche du côté de la Finma, qui ajoute cependant que «dans la pratique, la mise en œuvre du système de surveillance à deux niveaux nouvellement créé, unique en son genre, est assez complexe et difficile». Dans les milieux autorisés, on entend néanmoins que la Finma ne soutiendrait pas mordicus le système actuel et qu’il pourrait évoluer un jour. Lundi 28 juillet 2025, 06h00 - LIRE LA SUITE ![]()
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