
ÉDITORIAL. Le Conseil fédéral propose d’autoriser de nouveau la construction de centrales nucléaires. C’est un changement de cap majeur par rapport à la Stratégie énergétique 2050 votée en 2017. Le débat ne fait que commencer
Il faut reconnaître au conseiller fédéral Albert Rösti du courage politique. Rouvrir le dossier nucléaire, c’est s’assurer un front ouvert et des attaques virulentes tout au long de son mandat au Département de l’énergie. Plus d’un ministre éviterait l’obstacle, resterait dans les tranchées, tant le dossier est émotionnel et clivant.
Le Bernois a pourtant choisi de faire face et relance le débat. Il a convaincu ses collègues que l’énergie nucléaire devait de nouveau être une composante possible, comme une «option de repli», du bouquet énergétique suisse. C’est une bonne décision de principe, preuve du pragmatisme énergétique retrouvé au Conseil fédéral.
### La Suisse aura besoin de toutes les énergies
Une pandémie et une guerre en Europe plus tard, le monde de 2024 n’est plus celui post-Fukushima de 2017, lorsque les Suisses approuvaient la Stratégie énergétique 2050 à 58,2%. Au cœur de cette votation: la loi sur l’énergie nucléaire et son article 12a: «L’octroi d’autorisations générales pour la construction de centrales nucléaires est interdit.» C’est ce principe que le Conseil fédéral souhaite abandonner.
Il est évident que cette décision ne doit pas se faire à n’importe quel prix. Retomber dans la paresse du mix énergétique hydraulique-nucléaire n’est pas une option. Continuer de développer les énergies renouvelables classiques, comme le solaire et l’éolien, ou celles à découvrir ou à améliorer, est essentiel. Sans parler des efforts d’efficacité énergétique. La Suisse aura besoin de toutes les énergies, dans le domaine électrique également.
### La Suisse ne doit pas prendre le risque de se marginaliser
Rappelons également que ce n’est pas pour demain. Le nucléaire est une technologie complexe et appelée à évoluer, entre autres en matière de sécurité, de déchets et de dépendance à l’égard de l’étranger. Alors que de nombreux pays ont relancé leurs programmes nucléaires civils, dont plusieurs démocraties occidentales, notre pays ne doit pas prendre le risque de se marginaliser, même si au final l’atome devait ne jouer qu’un rôle subsidiaire et moins central qu’aujourd’hui.
Miser sur toutes les technologies est un impératif aujourd’hui. La pandémie liée au coronavirus nous a rappelé l’importance de la sécurité de l’approvisionnement dans le domaine des médicaments, la guerre en Ukraine dans les domaines énergétique et alimentaire. Une fourniture fiable et stable en énergie est une condition nécessaire pour une économie florissante, créatrice d’emplois et de qualité de vie. Le dossier énergétique devait retourner au sommet de la pile du Conseil fédéral. Depuis hier, il l’est. C’est une bonne nouvelle.