La coalition au pouvoir s’est finalement entendue, mais les discussions ont été difficiles. De grosses coupes ont été consenties, le tout dans un contexte économique difficile pour la première puissance européenne
Le chancelier allemand et sa coalition sont parvenus à un accord de dernière minute pour résoudre, via des coupes dans les dépenses, un casse-tête budgétaire qui a remis en cause les projets du gouvernement et provoqué une crise politique. Le compromis annoncé mercredi après d’âpres négociations, va permettre à l’Allemagne de respecter à nouveau l’an prochain sa règle de stricte limitation du déficit public.
La majorité gouvernementale a opté pour des baisses de dépenses publiques afin de combler un trou budgétaire de 17 milliards d’euros en 2024. «Nous devons nous contenter de beaucoup moins d’argent», a souligné le chancelier Olaf Scholz en présentant l’accord, expliquant qu’il avait fallu «établir des priorités».
La Cour constitutionnelle allemande a déclenché un séisme financier le mois dernier en censurant le recours à des fonds spéciaux, obligeant le gouvernement à revoir ses budgets 2023 et 2024. La plus haute juridiction du pays a ainsi annulé le transfert de 60 milliards d’euros de crédits inutilisés provenant de la pandémie, dans une enveloppe dédiée à des investissements verts et un soutien à l’industrie. Elle estime que le gouvernement a enfreint les strictes règles budgétaires du pays en réaffectant ces dépenses.
### Zizanie dans la coalition au pouvoir
Cette décision a provoqué la zizanie entre les trois partis de la coalition et conduit certains élus de l’opposition à réclamer des élections anticipées, alors que les conservateurs et le parti d’extrême droite AfD progressent dans les sondages. Le gouvernement, qui vient seulement de passer le cap du mi-mandat, a enchaîné les réunions de crise depuis un mois, amplifiant le climat de défiance d’une partie croissante de l’opinion à son égard.
Le Parti social-démocrate du chancelier et les écologistes souhaitaient résoudre le casse-tête budgétaire en suspendant pour une année supplémentaire le frein à l’endettement qui interdit au gouvernement d’emprunter plus de 0,35% de son PIB chaque année. Le Parti libéral (centre-droit) du ministre des Finances Christian Lindner était farouchement opposé à toute nouvelle exception à cette règle symbole de l’orthodoxie budgétaire allemande.
La coalition tripartite s’est finalement entendue pour couvrir ses besoins en supprimant des subventions nuisibles au climat, en réduisant les dépenses de certains ministères et des aides publiques, notamment pour le développement du photovoltaïque. Le gouvernement va également augmenter plus que prévu, en janvier, une taxe liée aux émissions de CO2 et imposer le paiement d’une taxe sur les emballages plastiques aux professionnels du secteur.
«Il s’agit de coupes et d’économies que nous ne faisons pas volontiers mais qui sont nécessaires», a commenté Olaf Scholz. «Ces coupes réalisées à un moment de faiblesse économique auront un impact négatif sur l’activité», a déploré Gerd Landsberg, de la fédération des villes allemandes, dans le quotidien _Rheinische Post_. La situation est d’autant plus délicate que le pays est attendu en récession cette année, avec une chute de 0,4% de son PIB.
### «Encore plus problématique en 2025»
Pour le budget 2023, également retoqué par les juges constitutionnels, Berlin a dû se résoudre à suspendre rétroactivement, pour la quatrième année consécutive, le frein à l’endettement en arguant d’une «situation d’urgence», seule base légale pour contourner la règle. Le compromis trouvé pour l’an prochain ne résout rien pour les années à venir puisque le fonds pour la transformation et le climat prévoyait des dépenses à long terme, jugées nécessaires pour que le pays puisse mener à bien sa transition énergétique.
Pour l’économiste Monika Schnitzer, «la situation de financement sera encore plus problématique en 2025 qu’en 2024». «Si les mesures annoncées semblent gérables pour l’économie, elles ne mettent pas fin à la controverse sur la manière dont combiner des investissements à grande échelle avec des budgets équilibrés», observe aussi Carsten Brzeski, chef économiste à la banque
ING Allemagne.
Pour résoudre ce dilemme, de plus en plus de voix appellent Berlin à surmonter son aversion pour la dette et à réformer ses règles de déficit. Olaf Scholz a laissé entendre que le gouvernement pourrait revoir sa position sur le frein à la dette si des fonds supplémentaires étaient nécessaires pour l’Ukraine, «en cas d’aggravation de la situation sur le front, si d’autres soutiens retiraient leur aide, ou en raison d’une menace croissante pour l’Allemagne ou l’Europe». «Nous devrions alors réagir», a conclu le chancelier.