
ÉDITORIAL. Après les négociations avec Bruxelles, c’est aux partenaires sociaux de se mettre d’accord pour défendre le niveau des salaires en Suisse tout en maintenant l’accès au marché unique. Syndicats et patrons ont tout intérêt à trouver un compromis
Le paquet d’accords négocié avec l’Union européenne par Berne est entré dans une nouvelle phase, celle des tractations internes. C’est une cuisine tout helvétique avec l’intervention des partis, des cantons, des partenaires sociaux et de l’administration fédérale. Les textes sont passés à la moulinette des experts, soupesés par les juristes et font déjà l’objet de marchandages politiques, tout cela avant que le peuple souverain tranche sur l’avenir de la relation avec notre principal partenaire commercial.
Les obstacles promettent d’être nombreux. Mais, contrairement à l’accord-cadre, la méthode adoptée par le Conseil fédéral pour mener à bien ce chantier semble cette fois-ci prometteuse. Notamment sur le front du dialogue avec les partenaires sociaux. En 2021, le Conseil fédéral avait retiré la prise des négociations prétextant que le compte n’y était pas. L’opposition de l’UDC et des syndicats n’aurait laissé aucune chance de trouver une majorité devant le peuple, affirmait-on alors. Il s’agit de ne pas commettre la même erreur.
Garanties et compensations
Sachant que ces accords ne trouveront jamais grâce devant le premier parti de Suisse, il faut donc à tout le moins lever le veto des syndicats. Ils sont pour l’heure réfractaires. A les entendre, le deal conclu par Berne et Bruxelles menace la protection des salaires. Contrairement à l’UDC, toutefois, ces mêmes syndicats reconnaissent l’importance de l’UE comme facteur de développement et de paix. Il y a donc une marge de manœuvre.
Concrètement, les syndicats dénoncent une concurrence déloyale de la part des entreprises utilisant des travailleurs détachés de l’UE. Berne reconnaît qu’il y a des points de recul, notamment en cas d’application d’une directive européenne sur le sol suisse. Les syndicats sont donc en position de force pour demander des garanties et des compensations. Il est temps d’y répondre.
Ne pas jouer avec le feu
Berne doit ainsi démontrer que le droit suisse éliminera toute distorsion, notamment sur la question des notes de frais. Ce devrait être légalement possible. Au Seco et à ses juristes d’y veiller. Quant au patronat, il serait bien avisé d’entrer en matière sur certaines revendications en matière de renouvellement des CCT, ce mécanisme au cœur de la paix du travail. L’accès au marché unique vaut bien quelques aménagements. L’économie dit y être prête. Cela reste à confirmer.
A l’inverse, les syndicats seraient bien inspirés de ne pas jouer avec le feu en maintenant une position maximaliste. S’ils sont pour l’heure en position de force dans la négociation, ils ne peuvent pas ignorer qu’un échec de l’accord avec l’UE serait un coup dur pour l’emploi. Ce n’est pas l’Europe qui menace les salaires ou la paix du travail en Suisse. Mais l’éventuel manque de concertation et l’incapacité de trouver l’un de ces compromis dont les Suisses s’enorgueillissent tant.