
Avant l’ère de la production mondialisée, les foyers romands s’équipaient localement. Derrière meubles, objets et décors, des entreprises suisses aujourd’hui disparues ou trop méconnues ont laissé des empreintes discrètes et menacées
Pendant longtemps, les familles romandes vivaient entourées de réalisations issues d’ateliers locaux. Leurs meubles et décors structuraient un art de vivre et une identité domestique, mais la plupart des noms ont sombré dans l’oubli. «Ces ateliers et manufactures ont largement équipé les intérieurs romands aux XIXe et XXe siècles, mais leurs traces sont aujourd’hui éparses. Beaucoup ont disparu sans laisser d’archives, leurs bâtiments ont été transformés, leurs catalogues perdus», explique l’historienne de l’architecture Joëlle Neuenschwander Feihl. Elle raconte une scène révélatrice: lors de la faillite de l’entreprise montreusienne Held (1864-1985), les archives entières s’apprêtaient à être incinérées.
C’est grâce à la vigilance de l’historien de l’art Pierre Frey et à l’intervention de Jacques Gubler, professeur d’histoire de l’architecture à l’EPFL, qu’elles ont été sauvegardées. «Sans ce double geste, nous n’aurions quasiment plus rien sur cette maison; c’était un véritable sauvetage, in extremis», souligne Joëlle Neuenschwander Feihl, qui a participé à cette opération de la dernière chance. Held, avant tout entreprise de menuiserie et d’agencement (portes, fenêtres, boiseries), réalisa aussi des ensembles de chambres d’hôtels produits en série. Pour les particuliers, ses meubles étaient fabriqués uniquement sur commande. Employant jusqu’à près de 200 personnes dans les années 1930, elle marqua durablement le paysage artisanal et industriel romand.
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