
ÉDITORIAL. La purge financière s’intensifie sur des marchés financiers, exacerbée par le refus de Donald Trump de revenir sur ses droits de douane ubuesques. Quoi qu’il fasse dans les jours à venir, le mal est déjà fait
Carnage, purge, désolation… Ils sont nombreux les termes sautant à l’esprit de l’observateur qui assiste, impuissant, au mouvement de panique qui s’est emparé ce lundi des marchés financiers: -13,12% à Hongkong, -7,34% à Shanghai, - 4,54% à Zurich… En trois jours, le SMI, l’indice phare de la bourse suisse a perdu davantage que lors de la mise en arrêt de l’économie mondiale provoquée par le covid il y a cinq ans.
C’est dire l’onde de choc que le président américain a provoquée en déclenchant une guerre commerciale sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le monde retient son souffle à quelques minutes de l’ouverture de Wall Street qui pourrait bien achever de projeter un lundi d’ores et déjà mémorable dans les pires krachs de l’histoire.
Du célébrissime financier Warren Buffet à l’ancien secrétaire au trésor Larry Summers en passant par le multimilliardaire Bill Ackman, les voix tempêtent pour tenter de ramener le président américain Donald Trump à la raison. Pour l’heure, rien n’y fait. Le maître de la Maison-Blanche n’entend pas revenir sur les droits de douane colossaux décrétés mercredi dernier. Après avoir assisté à un match de golfe en Floride, le président américain s’est borné à estimer la nuit dernière qu'«il faut parfois prendre un traitement pour se soigner».
Un malade imaginaire
Mais de quel patient parlons-nous exactement? La première puissance économique mondiale qui a vu l’an dernier son PIB progresser de 2,8%? Celle dont les autorités avaient réussi à ramener l’inflation de 9,1% en juin 2022 à 2,4% en septembre dernier? Il y a quelque chose d’éminemment mortifiant à assister ainsi au suicide financier d’une nation, qui plus est lorsqu’il plonge le monde entier dans la tourmente.
Plus personne ne maîtrisant la bête de Mar-a-Lago, le monde n’est pas à l’abri d’ici mercredi d’une de ces volte-face dont le président républicain a le secret. Une pirouette qui sera immanquablement transformée en «great» succès.
Quoi qu’il se passe, il s’agira en fait d’une victoire à la Pyrrhus. Effarouchés et désargentés, de nombreux investisseurs se tiendront à distance des Etats-Unis ces prochains mois. Les petits actionnaires américains méditeront, eux, le mépris que le républicain leur porte et auront tout intérêt à s’en souvenir en 2026 au moment de glisser leur bulletin dans l’urne des élections de mi-mandat.
Car il ne faut pas s’y tromper. Si les fonds spéculatifs poussent aujourd’hui des cris d’orfraie en comptant leurs pertes, ce sont les petits épargnants américains qui vont payer une grande partie de la facture, eux qui voient fondre leurs économies et leur retraite largement tributaires des performances boursières.
Bon nombre d’entre eux ont contribué à ramener à Washington l’ancien promoteur immobilier assoiffé de droits de douane, ne prenant pas pleinement au sérieux des ambitions protectionnistes ouvertement affichées. Ils s’en mordent aujourd’hui amèrement les doigts. S’il est trop tôt pour savoir ce qu’il adviendra de son projet économique, il est d’ores et déjà certain que Donald Trump restera dans les annales pour avoir déclenché la crise financière la plus inutile et la plus ridicule de l’histoire.