
La fiscalité s’est améliorée dans le canton et la place financière conserve ses atouts traditionnels. Mais plusieurs initiatives fédérales ou décisions internationales pourraient jeter un froid sur la bonne ambiance actuelle
Du côté des milieux financiers, on décrit Genève comme un environnement qui déborde d’atouts, mais avec une épée de Damoclès fédérale et internationale. La fiscalité s’est améliorée pour les individus, en particulier la classe moyenne, observe Edouard Cuendet, directeur de Fondation Genève Place Financière: «L’impôt sur le revenu a baissé de 5,3 à 11,4%, suite à la votation de novembre 2024, et l’impôt sur la fortune de 15%, suite à l’acceptation de la loi sur l’estimation fiscale de certains immeubles en juin 2023. Le taux marginal atteint maintenant 0,85%, ce qui est semblable à celui du canton de Vaud, même s’il reste encore dix fois plus élevé qu’à Zoug…».
L’allègement de l’impôt sur l’outil de travail a été refusé l’an dernier, et notre interlocuteur espère que la fiscalité des entreprises ne se détériorera pas, même si «en Suisse, on a le chic pour s’infliger des menaces anxiogènes». Mais le pire est derrière en matière de fiscalité, poursuit Edouard Cuendet, en référence au rejet d’une imposition plus marquée des dividendes, en 2023, ou au refus d’un relèvement de l’impôt sur la fortune.
«Bonne ambiance»
Bref, du positif qui explique la «bonne ambiance» qui règne selon lui sur le canton, notamment grâce aux autorités cantonales «qui comprennent bien les enjeux et sont très actives vis-à-vis des entreprises».
Le canton bénéficie de ses atouts classiques – stabilité juridique et fiscale, sécurité des personnes, ville à taille humaine –, très recherchés dans l’environnement géopolitique particulièrement agité du moment. Mais «deux menaces fiscales fédérales» pèsent sur ce tableau, détaille encore le lobbyiste de la finance genevoise.
L’initiative des Jeunes socialistes sur l’imposition des successions, tout d’abord, qui prévoit de taxer à 50% les héritages à partir de 50 millions de francs. «Cela créerait un risque pour les entreprises familiales, très nombreuses à Genève notamment dans l’horlogerie et la banque, et cela enverrait un signal très négatif tant aux étrangers qui envisagent de s’installer ici qu’aux résidents, qui pourraient être tentés de partir», analyse encore Edouard Cuendet.
Concurrence sur les grandes fortunes
Pour attirer les grandes fortunes, Genève fait face à une concurrence renforcée, souligne Yassine Ben Hamida, qui dirige la banque Vontobel à Genève: «L’Italie est devenue très attractive avec sa version du forfait fiscal, qui plafonne à 200 000 euros les impôts payés par les étrangers. On observe un retour des Italiens dans leur pays, avec une taxation attractive, mais aussi l’arrivée de beaucoup d’étrangers.» Le Portugal et Dubaï sont d’autres rivaux très actifs, poursuit le banquier, qui mentionne également l’offensive américaine en direction de l’Amérique latine dans la gestion de fortune.
«Une grande partie des clients sud-américains décident de placer leurs actifs à Miami, tandis que d’autres choisissent l’Espagne ou le Portugal avant la Suisse, notamment parce qu’ils possèdent souvent plusieurs nationalités.» Les Etats-Unis ne pratiquent pas l’échange automatique d’informations fiscales, en place au niveau international depuis 2016 dans plus de 100 juridictions – dont la Suisse. Davantage de personnes fortunées cherchent des solutions de relocalisation après l’abandon du régime de resident non dom décidé en Grande-Bretagne.
Autre sujet fédéral, la taxation envisagée des retraits en capital des avoirs de prévoyance en consultation jusqu’au 5 mai, «découragerait les gens d’effectuer des rachats ou de constituer des 3e piliers, et pénaliserait l’accession à la propriété immobilière à Genève, qui se fait souvent grâce à des retraits d’avoirs de prévoyance», reprend Edouard Cuendet, de la Fondation Genève Place Financière.
Initiatives fédérales
Toujours côté finance, deux initiatives fédérales, en cours de récolte de signatures, viennent là aussi refroidir l’ambiance. Celle pour une place financière durable veut que les intermédiaires financiers alignent leurs investissements sur l’Accord de Paris. Celle pour des multinationales responsables, lancée sous une nouvelle forme en janvier dernier après un rejet en votation en 2020, vise à obliger les grandes entreprises suisses à respecter les droits humains et les normes environnementales.
«Les conséquences seraient considérables pour les intermédiaires financiers suisses, qui seraient désavantagés par rapport à leurs concurrents internationaux alors que l’Europe et les Etats-Unis ont plutôt tendance à déréguler, conclut Edouard Cuendet. Dans la gestion de fortune, cela signifierait par exemple qu’il serait impossible d’investir sur les grands indices boursiers non alignés sur l’Accord de Paris ou de financer tout projet dans les énergies fossiles.»