CHRONIQUE. Parmi vos bonnes résolutions se trouve peut-être la volonté de lire davantage. Et si en cette nouvelle année, vous lisiez des ouvrages que d’autres ont voulu ou veulent encore vous interdire de lire?
En mars 2022, lors d’une pause durant un congrès sur la liberté à Prague, je suis tombé par hasard sur un stand fascinant: celui de End Banned Books, qui présentait des livres interdits à travers le monde. Dans la liste, des titres attendus comme Les Versets sataniques de Salman Rushdie, mais aussi des surprises plus étonnantes. Ainsi, Harry Potter est banni en Arabie saoudite, car il promeut la «sorcellerie». Mais aussi La Ferme des animaux de George Orwell. Aux Emirats arabes unis car l’auteur fait parler des cochons, et à Cuba, car il véhicule un message anticommuniste. Cette rencontre m’a fait changer les priorités de lecture que je m’étais fixées le mois de janvier précédent pour les mois à venir. C’était décidé, en 2022, j’allais principalement lire des livres interdits ailleurs, hier et de nos jours.
En réalité, la censure est bien plus actuelle qu’on ne le suppose. En 2023, une exposition au Musée Strauhof montrait que l’idée d’interdire des bouquins vivait un renouveau. Même dans les démocraties. Alors qu’il était devenu ringard de demander la censure d’un ouvrage, des forces «progressistes» ont tenté de faire interdire ou récrire des livres qui pourraient heurter la sensibilité des lecteurs. C’est ainsi que l’on a vu fleurir des sensitivity reader, chargés de débusquer à l’avance, avant publication, ce qui pourrait un jour choquer le public. Les œuvres de monuments comme Agatha Christie ou Roald Dahl furent jugées discriminantes et «adoucies» avant d’être republiées. S’engouffrant dans cette brèche, plusieurs mouvements conservateurs, comme les mal nommées Moms for Liberty, ont multiplié, avec succès, les demandes de censures d’ouvrages progressistes. Principalement sous prétexte qu’ils pourraient offenser ou perturber les enfants. Parmi les œuvres, on retrouve des classiques comme Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley ou encore Maus d’Art Spiegelman.
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