
Les courants de pensée des patrons de la Silicon Valley influencent le développement des technologies qu’ils commercialisent. Les connaître est indispensable pour faire des choix de société éclairés
Les technologies ne sont pas neutres. Elles sont le produit de la vision du monde de ceux qui les conçoivent. L’intelligence artificielle générative en est le parfait exemple. Les barons de la Silicon Valley ont choisi d’accaparer toutes les données à leur disposition pour entraîner les grands modèles de langage qui alimentent ChatGPT, Gemini, Copilot, Claude ou encore Grok. Ces données ont été extraites sans tenir compte de la propriété intellectuelle et des droits qui lui étaient associés. Une approche qui a suscité des controverses aux Etats-Unis, bien sûr, mais plus encore en Europe.
Cette démarche extractiviste sous-tend toute l’industrie de l’intelligence artificielle. Que ce soit en termes de ressources naturelles, d’énergie, de force de travail ou de données, les géants de la Silicon Valley s’embarrassent assez peu des considérations éthiques qui alimentent les débats en Europe.
Le Temps s’est intéressé de près aux idées qui gravitent dans les sphères décisionnaires de la baie de San Francisco. Certains de ces courants de pensée sont très récents. C’est le cas des Lumières obscures, une vision du monde mâtinée d’eugénisme, de racisme et de haine de la démocratie, et qui pourtant se fraie un chemin jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir aux Etats-Unis.
Fenêtre d’Overton
Les différents épisodes de cette série brossent un portrait des idéologies de l’IA qui peut sembler caricatural à première vue. Mais ce serait une erreur de s’arrêter aux apparences. Parce que ces visions du monde sont embarquées dans les technologies mises à la disposition de centaines de millions d’utilisateurs. Leur influence s’étend donc bien au-delà de la Silicon Valley. Selon le principe de la fenêtre d’Overton, elles participent à repousser les limites de l’acceptable. Connaître et comprendre ces courants de pensée est donc essentiel.
Dans cette bataille sans merci, l’Europe se cherche encore. La crainte de rater le train de l’IA pourrait pousser les dirigeants européens à adopter des approches entrant en contradiction avec les valeurs et les règles de droit qui prévalent aujourd’hui dans la plupart de ces Etats. Des initiatives locales tentent pourtant de faire coexister développement technologique et principes démocratiques. C’est le cas du futur grand modèle de langage qui sera publié par les écoles polytechniques fédérales à la fin de l’été. Une démarche qui embarque elle aussi une certaine vision du monde, bien sûr. Ce qui montre que l’Europe a encore des cartes en main pour se démarquer en matière d’intelligence artificielle.