Lors de l’assemblée générale de la BNS ce vendredi, la présidente du Conseil de banque s’est érigée contre les critiques visant l’institution. Thomas Jordan, pour son dernier discours en tant que président, a souligné le succès de la lutte menée contre l’inflation
Elargir la direction générale, verser un dividende même en cas de déficits, protéger le climat ou assurer la pérennité du système de prévoyance sont autant de revendications qui mettent en péril le mandat de la Banque nationale suisse (BNS). La présidente du Conseil de banque Barbara Janom Steiner a mis en garde contre des «attaques», «dangereuses pour notre pays».
«Ces demandes – ou devrais-je dire: ces attaques? – témoignent pour certaines d’une imprudente légèreté, relèvent pour d’autres de la défense d’intérêts particuliers», a tancé Mme Janom Steiner lors de l’assemblée générale de la BNS, à Berne.
L’élargissement de la direction générale est présenté par ses partisans comme une mesure visant à accroître la diversité. Pour la présidente, cela reviendrait plutôt à faire prévaloir des critères politiques ou idéologiques et les intérêts particuliers. L’institut d’émission prend des décisions de politique monétaire dans l’intérêt du pays et non pas «au bénéfice de tel ou tel groupe d’intérêt ou secteur économique», a souligné Mme Janom Steiner.
Conformément aux dispositions légales, le Conseil de banque doit proposer au gouvernement des personnes bénéficiant d’une réputation irréprochable et ayant une expérience reconnue dans les domaines monétaire, financier et bancaire.
### Pas d’obligation de verser un dividende
Barbara Janom Steiner s’est également érigée contre l’«instrumentalisation» de la notion d’intérêt général. La présidente cible tout particulièrement les «contestataires» qui souhaitent que la BNS intègre la protection du climat dans ces décisions ou qu’elle assure la pérennité du système de prévoyance-vieillesse. Cela irait à l’encontre des dispositions de la Constitution fédérale au sujet de la banque centrale. «De politique climatique ou sociale il n’est point question, même s’il s’agit incontestablement de sujets importants», note-t-elle.
Alors que certaines voix s’élèvent pour réclamer des versements systématiques aux cantons et à la Confédération, Mme Janom Steiner rappelle que cela ne figure pas au cahier des charges de la BNS. «Celle-ci n’a pas pour mandat de procéder à de telles distributions ni, du reste, de réaliser un bénéfice.» Des dividendes garantis pourraient mettre en péril le bilan de l’institut. Les cantons, surtout, utilisent cette manne pour équilibrer leurs finances.
«La BNS n’est pas fermée aux critiques, elle est même prête à les écouter», a averti la présidente. «Les personnes qui la critiquent ces temps-ci devraient toutefois se demander si elles ne cherchent pas à imposer des changements qui n’ont pas lieu d’être.» La dirigeante a relativisé la portée des attaques, les attribuant à des détracteurs «peu nombreux» mais qui «parlent fort». Le monde politique, dans sa majorité, soutiendrait ainsi l’indépendance de la banque centrale.
### «Redressement spectaculaire»
Ce vendredi, à l’occasion de son dernier discours à la tête de l’institution, Thomas Jordan a de son côté considéré que la BNS s’est montrée «efficace» dans sa lutte contre l’inflation, menée avec «prévoyance et souplesse». Les prix devraient demeurer stables ces prochaines années.
«Après des années marquées par un renchérissement particulièrement faible, et alors que la pandémie de Covid-19 touchait à sa fin, l’inflation s’est soudainement déchaînée dans le monde, balayant l’illusion que ce phénomène n’était que le vestige d’une époque révolue». C’est ce qu’a déclaré en préambule le président du directoire sortant lors de l’assemblée générale.
Le resserrement de la politique monétaire, consistant dans un premier temps à limiter jusqu’à cesser les achats de devises, a permis de juguler en Suisse le renchérissement brutal qui a suivi le «redressement spectaculaire» de l’économie mondiale à la fin de la pandémie, a justifié le Biennois.
Ce n’est que dans un deuxième temps, en juin 2022, alors que la hausse des prix était déjà très élevée dans d’autres économies et que l’inflation évoluait autour de 3% en Suisse, que l’institut d’émission a décidé de relever ses taux - de 2,5 points en l’espace de douze mois. Ces relèvements successifs ont pesé sur la demande, permettant de contrer ainsi la pression inflationniste, selon lui. A cela sont venues s’ajouter les ventes de devises dès le deuxième semestre de 2023, faisant grimper le cours du franc.
### Agir vite
Cette stratégie prospective a permis de limiter les effets de second tour, à savoir une augmentation des prix résultant d’une hausse des coûts, susceptible de déclencher une spirale inflationniste, a assuré M. Jordan.
«En d’autres termes, si nous n’avions pas resserré rapidement les rênes monétaires, il nous aurait fallu relever ultérieurement notre taux directeur à un niveau beaucoup plus élevé, ce qui aurait pu avoir des conséquences négatives sur la conjoncture et sur le marché du travail.» Sans oublier l’augmentation des loyers découlant de la hausse du taux d’intérêt de référence.
Cette stratégie orientée sur le moyen terme et menée avec «prévoyance et souplesse dans la mise en œuvre» permet à la banque centrale d’agir de manière agile et avec sérénité sans besoin d’agir en permanence ou avec des mesures radicales, affirme Thomas Jordan.
Et c’est ce qui lui a permis d’assouplir à nouveau sa politique monétaire cette année. En mars, devant la nette atténuation de la pression inflationniste et l’appréciation du franc en termes réel, la BNS a ainsi abaissé son taux directeur de 0,25 point pour le faire passer à 1,5%.
«Depuis quelques mois en effet, le renchérissement se situe à nouveau au-dessous de 2%, et d’après notre dernière prévision en date, il devrait demeurer dans la plage de stabilité des prix ces prochaines années», a assuré Thomas Jordan. Il a cependant rappelé que dans l’environnement actuel, empreint d’incertitude, l’institution se réserve la possibilité d’adapter au besoin sa politique monétaire.