ÉDITORIAL. Vices de procédure ou non dans le procès de l’ancien directeur de la banque Raiffeisen et de ses coaccusés? Le Tribunal fédéral tranchera. Reste une sensation d’amateurisme et de gâchis
Quel coup de maître! Lorsque, au printemps 2022, la justice zurichoise condamnait l’ancien directeur de la banque Raiffeisen à 3 ans et 9 mois de prison ferme, la Suisse pensait enfin tenir son premier jugement pour «l’exemple» dans un grand scandale économique. De toutes parts, le talent du procureur zurichois qui avait su convaincre les magistrats de la culpabilité de Pierin Vincenz et des quatre autres prévenus était salué.
Condamné pour gestion déloyale et faux dans les titres, le très charismatique banquier grison, pourfendeur en 2008 des excès de la finance mondiale, écopait d’une peine de prison ferme. Une sanction inédite à ce niveau. Après le coûteux naufrage du procès Swissair il y a bientôt 20 ans, un plafond de verre était enfin crevé dans les tribunaux chargés de se pencher sur la criminalité économique en Suisse.
L’annulation mardi par la Cour suprême zurichoise de ce verdict remet les compteurs à zéro. La satisfaction des avocats de la défense ne doit avoir pour égal que la colère du Ministère public. Recalé pour des manquements qui semblaient évitables, il a annoncé dans la soirée faire appel de cette annulation auprès du Tribunal fédéral.
### Un douloureux dégât d’image
Même si la réalité est souvent plus complexe qu’il n’y paraît, l’observateur ne peut, lui, que rester interloqué devant un tel pataquès dont le pouvoir judiciaire ne sort pas grandi. Le dégât d’image est considérable.
Contrairement à son homologue américaine, rompue à l’exercice des enquêtes de haut vol et des âpres négociations financières avec les prévenus, la justice suisse ne paraît pas encore être à la hauteur des ambitions d’une puissance économique. Voilà qui est de mauvais augure pour une tout autre affaire à haut risque qui viendra tester les aptitudes juridiques helvétiques. Des milliers d’acquéreurs d’obligations convertibles de
CREDIT SUISSE ont déposé plainte à la suite de la liquidation de leurs titres il y a un an, lors de l’absorption de l’établissement par UBS.
Les juges administratifs saint-gallois qui se pencheront sur ce dossier n’auront, eux, pas droit au faux pas. Si, contre toute attente, les plaignants obtiennent gain de cause, une ardoise de plusieurs milliards de francs que ni la Confédération ni la grande banque n’entendent payer verra le jour. Des sommes qui rendraient presque dérisoires les probables centaines de milliers de francs que les querelles intestines de la justice zurichoise pourraient coûter à la collectivité.
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