
ÉDITORIAL. Le président américain jette par-dessus bord la séparation des pouvoirs, transforme le pays en une économie «casino» et démantèle un système de santé déjà très fragile. Les 7 millions de manifestants qui ont défilé dans les rues américaines sont l’illustration d’une profonde colère. Insuffisante pour stopper la marche d’un Trump toujours plus autoritaire
La semaine dernière, Donald Trump a eu son moment de gloire. Le président américain avait réussi à imposer un cessez-le-feu au premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, et au Hamas. Or, on l’a vu ces jours-ci, ce n’est pas en concoctant un plan pour mettre fin au conflit israélo-palestinien sans vraiment associer les Palestiniens qu’on s’approche de la paix. Que dire de l’Ukraine? Après avoir promis un soutien plus massif à Kiev à l’aide de missiles Tomahawk, Donald Trump a de nouveau fait volte-face, réservant au président ukrainien, Volodymyr Zelensky, un accueil électrique à Washington et lui servant une énième fois le narratif du Kremlin pour mettre fin à la guerre.
Sans véritable perspective de paix au Proche-Orient ou en Ukraine, le président américain semble nu. Mais il mène déjà une guerre chez lui, contre les institutions démocratiques et ce qu’il appelle les ennemis de l’Amérique, qui étaient plus de 7 millions ce week-end à défiler dans plus de 2600 villes du pays pour fustiger sa manière de gouverner. Ses attaques systématiques contre la justice sapent une pierre angulaire de la démocratie: la séparation des pouvoirs. La militarisation du Service de l’immigration (ICE) et des villes, où la Maison-Blanche a décidé de déployer la Garde nationale, dénature le contrat social américain et viole l’un des principes fondamentaux qui a toujours régi l’armée: servir la Constitution et non le président en place.
Une Amérique en un grand casino
Sur le plan de l’économie, que l’occupant du Bureau ovale a toujours présentée comme son terrain de jeu préféré, la croissance reste bonne, l’inflation et le chômage n’augmentent que légèrement. Et pourtant. Nombre d’économistes en sont convaincus: Donald Trump fait fausse route. Il transforme, avec l’aide des républicains, l’Amérique en un grand casino. Fini les pare-feux entre la politique et les affaires. Depuis qu’il est retourné à la Maison-Blanche, l’organisation Trump a réalisé des gains d’un milliard de dollars grâce aux cryptomonnaies. Sa politique de droits de douane saborde nombre de PME et pousse les agriculteurs au bord du précipice. Sa destruction du système de santé et la suppression des bons alimentaires au sein des franges pauvres du pays, conjuguées à une politique très accommodante envers les milliardaires, créent un climat délétère. La cohésion sociale se délite.
Trop alarmiste? La descente progressive de l’Amérique dans l’autoritarisme trumpien est un vrai danger. Sans riposte forte et continue, la démocratie américaine telle qu’on l’a connue pourrait ne pas survivre. Les 7 millions de manifestants du week-end sont une première réplique qui demeure toutefois largement insuffisante.