
La montée en puissance de la défense gagne aussi les marchés, avec l’essor des ETF spécialisés
La défense s’impose comme un thème économique et financier majeur. Selon le Stockholm International Peace Research Institute (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont progressé de 9,4% en 2024, atteignant un niveau record de 2700 milliards de dollars. L’Europe, longtemps en retrait, a enregistré la hausse la plus marquée ( 17% à 693 milliards), rompant avec trois décennies de sous-investissement depuis la fin de la Guerre froide.
Cette réorientation stratégique se reflète aussi sur les marchés financiers, où les ETF spécialisés dans la défense connaissent un essor marqué, portés par des performances élevées et l’intérêt croissant des investisseurs.
L’OTAN a fixé un nouveau cap lors de son sommet de juin 2025: porter les dépenses à 5% du PIB d’ici à 2035, dont 3,5% pour la défense directe. Si cet objectif est atteint, le budget annuel de l’Alliance atteindrait 4,2 trillions de dollars, un niveau qui soulève déjà des interrogations quant à la soutenabilité budgétaire. L’Allemagne, dont la dette reste inférieure à 70% du PIB, paraît mieux armée que la France, l’Italie ou le Royaume-Uni, où l’endettement dépasse 100%.
Repenser l’appareil industriel
Au-delà des chiffres, c’est l’appareil industriel qui doit être repensé. Après des décennies de contraction, les capacités de production peinent à suivre. En Allemagne, un rapport relevait dès 2022 que les stocks de munitions permettraient de tenir seulement quelques jours en cas de conflit, tandis qu’à peine un tiers des hélicoptères navals étaient opérationnels.
Pour répondre à ce constat, l’Union européenne a lancé en mai dernier un programme de 150 milliards d’euros destiné à financer des achats communs et à soutenir la production locale. Objectif: que 60% des besoins militaires soient couverts par des fournisseurs européens d’ici à 2035.
Mais l’écart avec les Etats-Unis demeure considérable. Le budget américain de R&D militaire dépasse 140 milliards de dollars par an, contre environ 23 milliards pour l’ensemble du continent européen. Les Européens devront donc arbitrer entre renforcement de leur autonomie et dépendance persistante aux technologies étrangères.
Priorités politiques et sociétales
Cette réorientation stratégique n’affecte pas seulement les budgets et les industries: elle
recompose aussi les priorités politiques et sociétales. L’arbitrage entre dépenses militaires, sociales et climatiques deviendra de plus en plus sensible, tandis que l’opinion publique, plus favorable qu’auparavant à une hausse des budgets de défense, pourrait se montrer changeante face à la pression fiscale et à la compétition entre priorités nationales.
Enfin, cette ère de réarmement dépasse le seul cadre occidental. L’Asie et le Moyen-Orient
accroissent eux aussi leurs capacités, tandis que les grands exportateurs européens devront arbitrer entre besoins nationaux et engagements internationaux. La défense devient ainsi non seulement une question de sécurité, mais aussi un facteur clé des équilibres commerciaux et financiers mondiaux.