
ÉDITORIAL. En déployant un système de vidéosurveillance automatisée dans certains magasins en toute discrétion, Coop donne des arguments aux tenants d’une réglementation plus stricte. La loi traite pourtant déjà de ce type de situation
Le déploiement des technologies dans l’espace public ne doit pas être traité avec légèreté. C’est notamment le cas de la vidéosurveillance par intelligence artificielle, qui peut provoquer de potentiels contrôles sur une base automatique. Ce qui pose des questions de protection des données, mais aussi de risques de discrimination entre certains types de consommateurs.
Or, Coop a discrètement installé dans certains points de vente des caméras chargées de détecter automatiquement des comportements suspects pour prévenir le vol, comme le révèle Le Temps. Une démarche conduite dans l’opacité absolue. Derrière l’argument de la sécurité, l’entreprise s’abstient de toute explication sur le fond, se contentant d’affirmer qu’elle respecte la loi.
Le cadre réglementaire actuel prévoit des dispositions spécifiques s’agissant du traitement automatisé de données. Notamment la transparence: les personnes doivent être informées quant à la manière dont une entreprise collecte et exploite les informations qui les concernent. Ce n’est manifestement pas suffisamment le cas ici. Certes, un pictogramme à l’entrée des magasins indique la présence de vidéosurveillance. Mais les clients ignorent que celle-ci est traitée, au moins en partie, par une intelligence artificielle.
Faire preuve de discernement
Il y a aussi la proportionnalité: lorsqu’un système est réputé particulièrement intrusif et risqué en termes de protection de la personnalité, il faut s’assurer qu’il n’existe pas d’alternatives qui permettraient de produire un résultat similaire tout en minimisant les inconvénients pour les individus. Là encore, il semble qu’il existe bel et bien d’autres moyens pour prévenir le vol.
Coop n’est pas n’importe quelle entreprise. Ses millions de clients parcourent ses magasins tous les jours. En déployant de telles caméras discrètement, elle traite tous les consommateurs comme de potentiels voleurs, parce que leurs faits et gestes sont en permanence évalués par une machine qui leur applique un score de probabilité afin de détecter des comportements suspects.
Non seulement le détaillant s’expose à un risque réputationnel en agissant de la sorte, mais en plus il donne des arguments aux tenants d’une réglementation toujours plus stricte. C’est un bel autogoal. Il aurait pourtant suffi à Coop d’adopter une démarche transparente pour qu’un échange avec le public se fasse sur une base plus apaisée. A une époque où les velléités réglementaires sont fortes en Suisse, les entreprises devraient faire particulièrement attention lorsqu’elles font des choix dont les conséquences dépassent le cadre de leurs propres activités.