
L’invention des grands magasins dans le dernier quart du XIXe siècle en Europe marque l’avènement de l’achat comme expérience de loisir. Une révolution pour la sociabilité urbaine, la forme des villes et l’économie marchande, parfaitement saisie par Zola
Un entrepreneur visionnaire assied sa fortune en détruisant tous les petits commerces qui l’entourent. Hum, on a le choix des noms, des pays, des époques: l’histoire est ancienne, continuellement répétée.
Une des originalités du Bonheur des dames, publié sous forme de feuilleton juste avant Noël 1882, est que le roman est catalogué parmi les œuvres optimistes de Zola, impitoyable prêtre de la seule religion qui compte à l’aube de la Belle Epoque – l’argent. Car la fin est positive, puisqu’on vous le dit. Denise Baudu, orpheline normande de 20 ans «montée» à Paris, employée au Bonheur des dames donc, le grand magasin parisien tout neuf qui révolutionne le commerce, mène une belle carrière entre jalousie des vendeuses, malentendus et autres impératifs familiaux. Tout en conservant son intégrité morale, elle finit après moult rebondissements forcément romanesques par accepter la demande en mariage de son directeur, Quentin Mouret, dont elle est sincèrement amoureuse, et qui a reconnu en elle un esprit moderne, comme le sien. Ascension sociale, accès au bonheur, happy end grâce au progrès qui profite aux employés de bonne volonté: son parcours est emblématique des promesses de la croissance entamée sous Napoléon III et son Second Empire bourgeois. On peut même y lire les prémices d’une émancipation féminine inédite par le travail.
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