
ÉDITORIAL La Chine tente de relancer son économie. Avec, pour l’heure, des résultats mitigés. Le hic, c’est que son omnipotent président, Xi Jinping, fait partie du problème
Mais où est donc Zhu Hengpeng? Depuis avril dernier, plus de trace de cet influent économiste, à en croire la presse anglo-saxonne. Dans une conversation privée sur Wechat, le WhatsApp chinois, il aurait eu le malheur d’avoir dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas en critiquant la politique menée par Pékin. Pire, il aurait pointé nommément Xi Jinping, indéboulonnable numéro un du Parti communiste. Un crime de lèse-majesté!
Depuis septembre, le gouvernement semble enfin avoir pris la mesure de la crise qui ronge l’économie chinoise. Il a annoncé une batterie de mesures destinées à soigner un patient dont on ne cesse de revoir à la baisse les prévisions de croissance. Il était temps, clament, unanimes, les experts, s’empressant d’ajouter que le remède ne suffira probablement pas pour relancer la deuxième économie mondiale, une puissance qui dispose encore d’un potentiel de développement incommensurable.
Eclatement d’une bulle immobilière, consommation et investissements en berne… L’ancien Empire du Milieu vit sa première véritable mise à l’épreuve après sa conversion au capitalisme d’Etat à la fin du XXe siècle. Toute la responsabilité ne peut être imputée à Xi Jinping mais, en restant sourd aux timides avertissements lancés, le «Roi-Soleil chinois» a largement contribué au marasme actuel. Depuis son arrivée au pouvoir, il a surtout détricoté une stratégie diablement efficace, mise au point par ses prédécesseurs. En 2013, toutes les planètes étaient alignées pour que la Chine se hisse d’ici à 2030 à la hauteur de sa rivale états-unienne. Le socialisme de marché appliqué ensuite a permis un rattrapage économique et technologique inouï, sans précédent dans l’Histoire mondiale.
Restaurer la confiance
Reprocher à Xi Jinping d’avoir empoigné le problème de la corruption et empêché la création d’indomptables géants technologiques serait une erreur. Mais les réponses apportées sous sa houlette à des enjeux réels ont été démesurées et brutales. Résultat, le contrat tacite «croissance contre obéissance», conclu avec la population depuis la sanglante répression des manifestations de Tiananmen en 1989, est mis à mal. Indispensable à la prospérité économique du pays, l’avènement d’une classe moyenne se fait attendre tandis que les investisseurs étrangers hésitent à s’exposer à un pays devenu inamical.
Dans le luxe ou ailleurs, de nombreuses entreprises paient un lourd tribut à une crise qui aurait pu être évitée. Beaucoup s’en remettront. Reste à savoir comment redonner foi à la population et aux acteurs financiers, alors que le président chinois semble faire partie du problème. Pourtant, sans confiance, il n’y aura pas de reprise marquée et durable. Le problème de cet ingrédient cardinal en économie, c’est qu’il ne se décrète pas mais se gagne.