
Les investisseurs ont célébré l’annonce d’une pause dans la guerre commerciale entre Washington et Pékin. Pendant 90 jours, les tarifs douaniers seront considérablement abaissés. La Chine s’en tire encore mieux que son concurrent
Les marchés américains ont bondi à l’ouverture lundi, quelques heures après l’annonce d’une pause de 90 jours dans la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. L’indice S&P 500 des principales capitalisations américaines a ouvert en hausse de 3%, tandis que le Nasdaq, la référence pour les valeurs technologiques, gagnait d’emblée 3,8%. Un indice regroupant des sociétés cotées aux Etats-Unis mais effectuant la majorité de leurs affaires en Chine, le Golden Dragon China Index, s’est même envolé de 4,5% à l’ouverture de la séance. En cause, le retour pendant cette période de grâce à des tarifs douaniers américains de 30% sur les produits chinois, et à des droits de douane chinois de 10% sur les biens américains. Au lieu de 145% et 125% respectivement.
Les droits de douane affectent doublement la croissance: en créant de l’inflation dans le pays qui les impose, et en provoquant une baisse des exportations dans celui qui les subit. «Maintenant que les tarifs extrêmes sont retirés, les marchés retrouvent leur scénario de base, qui correspond dans les grandes lignes à ce que Donald Trump avait annoncé durant sa campagne électorale, soit 10% de tarifs douaniers sur l’ensemble du monde et environ 60% sur les produits chinois», explique Patrick Zweifel, chef économiste de Pictet Asset Management. Dans ce cadre, il prévoit qu’aux Etats-Unis, l’inflation augmentera de 1,5%, pour dépasser 4%, et que la croissance du PIB ralentira de plus de 1% cette année, ce qui conduirait à une croissance proche de zéro en fin d’année.
Parti en chute libre après les annonces de tarifs douaniers du 2 avril – le «Liberation Day» –, le S&P 500 est sur le point d’effacer ses pertes depuis début janvier. L’indice s’était déjà nettement repris depuis le 22 avril, après que l’administration Trump a laissé entendre que les tarifs douaniers pourraient baisser.
La Chine sort gagnante
En Chine, la hausse des prix sera désormais nettement inférieure à ce qu’elle aurait été avec des droits de douane à 145%, poursuit Patrick Zweifel: «les tarifs américains auraient amputé la croissance chinoise de 1,8%, mais cet impact négatif est ramené à 0,5% maintenant que ces barrières ont été abaissées».
A l’inverse, la situation n’évolue guère côté américain. «Le tarif douanier moyen pratiqué par les Etats-Unis sur les produits étrangers passe de 13,6 à 14,1%, si bien que l’impact de l’inflation sur la croissance américaine est pratiquement stable, passant de -1,7 à -1,2%. Cet accord est donc surtout favorable à la Chine», estime l’économiste genevois.
Cette pause accorde aussi davantage de marge de manœuvre à la Chine pour s’occuper de son économie domestique, enchaîne Maxime Botteron, économiste chez UBS. «Maintenant que l’incertitude est moins forte sur les droits de douane, Pékin pourrait annoncer des mesures de soutien à la croissance et assouplir davantage sa politique monétaire, comme cela a été fait récemment, de manière à lutter contre la déflation».
Incertitude toujours présente
La pause de 90 jours annoncée lundi matin «va dans la bonne direction mais n’enlève pas les incertitudes et ne permet pas de relever nos prévisions de croissance», poursuit Maxime Botteron. UBS tablait sur une série d’accords permettant une baisse des tarifs douaniers annoncés le 2 avril et maintient donc ses prévisions revues à la baisse après le «Liberation Day». Selon la grande banque, la croissance américaine devrait atteindre 1,4%, ce qui est relativement faible pour les Etats-Unis, contre 2% auparavant. La Chine, elle, devrait passer de 4 à 3,4% de croissance.
Selon lui, l’escalade dans l’affrontement commercial n’était pas tenable et l’annonce de ce lundi matin montre qu’«une volonté de négocier existe bien côté américain et que des concessions importantes sont possibles, mais il ne faut pas espérer un retour à la situation d’avant le 2 avril». En conséquence, il ne voit pas les importations américaines de produits chinois revenir à leur niveau précédent.
Ces achats vont néanmoins bénéficier de cette trêve, reprend Patrick Zweifel, de Pictet: «Après avoir nettement reculé en avril, les exportations chinoises vers les Etats-Unis vont probablement rester faibles en mai, mais elles repartiront certainement de manière marquée suite à l’annonce de lundi matin, car il est possible que les tarifs douaniers soient plus élevés après la période de négociation de 90 jours».