
Dans un marché immobilier marqué par des besoins urgents en matière de durabilité, l’heure est aux rénovations énergétiques. Pour les propriétaires, la question de la rentabilité s’avère tout aussi cruciale
Non efficient au niveau de l’enveloppe thermique et orienté en grande partie sur les énergies fossiles, le parc immobilier suisse nécessite des rénovations d’envergure. Ceci dans un contexte de pénurie de logements qui doit être résolue par une production favorisant la densification à l’étalement urbain. L’enjeu de cette équation clé pour le dynamisme de notre région consiste essentiellement à limiter l’empreinte carbone de notre parc immobilier et de notre mobilité. Pour les propriétaires, la résolution du problème se traduit par des coûts importants, dont la rentabilisation doit être assurée. David Michaud, économiste immobilier à la BCV, nous en dit davantage. Interview.
Que dire de l’environnement de marché dans lequel les acteurs immobiliers évoluent actuellement?
David Michaud: Globalement, notre région est confrontée à une pénurie de logements, conséquence du dynamisme économique, de la croissance démographique et d’une offre immobilière qui ne suit pas au même rythme. Les conséquences se lisent sur l’évolution des prix, mais aussi des loyers (voir graphique).
### Quelle démarche s’avère la plus rentable pour les propriétaires et la plus pertinente pour l’environnement: faire le minimum, assainir et surélever ou détruire et reconstruire?
Il convient tout d’abord de préciser que chaque bâtiment possède des caractéristiques techniques spécifiques et, par conséquent, nécessite une solution adaptée et unique. Toutefois, l’analyse des données montre que, globalement, un assainissement énergétique permet une diminution de l’empreinte carbone et une amélioration de la rentabilité. En effet, si le locataire bénéficie de la diminution des charges de chauffage, le propriétaire peut répercuter tout ou partie du coût de ces travaux sur les loyers. De plus, hormis les avantages fiscaux, des subventions sont disponibles et permettent d’alléger la facture pour le propriétaire. Il est intéressant de noter que, si la parcelle bénéficie de réserve constructible et que cette dernière peut être exploitée par une surélévation de l’immeuble, cette solution peut permettre d’améliorer sensiblement la rentabilité du projet. De plus, contrairement à une démolition-reconstruction, le prolongement de la durée de vie de la construction existante permet de diminuer l’empreinte carbone. En effet, les émissions de CO2 liées à la fabrication des matériaux de construction, au transport et à la mise en place sont substantielles.
### La notion de réserve constructible s’avère clé. Pourquoi?
Les divers enjeux de la durabilité de l’immobilier sont régis par des réalités différentes. Si la réalisation des assainissements énergétiques s’effectue au gré de la durée de vie des éléments du bâti, la densification suit une autre logique que temporelle, à savoir celle de la rentabilité pour le propriétaire. En effet, l’appréciation d’un indice d’utilisation du sol n’est pas un gage de densification, il faut un incitatif financier pour le propriétaire. Cet incitatif se mesure à l’aune du rapport entre l’investissement et le produit locatif anticipé. Cet élément est capital dans l’analyse des scénarios. Démolir et reconstruire nécessite un investissement supérieur à un assainissement et une surélévation. Par conséquent, le produit locatif anticipé doit être apprécié d’autant. Dans l’objectif de maintenir des loyers abordables, différentes législations cantonales, notamment vaudoise et genevoise, limitent les répercussions de ces investissements sur les loyers. Ainsi, si le propriétaire dispose d’une réserve constructible, celle-ci engendrera une rentabilité suffisante à la condition d’être exploitée dans le cadre d’une surélévation.
### Cette approche est-elle valable dans toute la Suisse?
En l’absence de législation cantonale particulière, le code des obligations fait référence en matière de bail à loyer. Or, il n’induit pas de contrôle des loyers. Par conséquent, dans le cadre d’une démolition et reconstruction, le propriétaire pourra profiter pleinement de la réserve constructible, mais également de la réserve locative. Cet élément peut s’avérer décisif dans cette volonté de densification.
### Quels sont les freins à l’accélération du mouvement?
Une analyse du marché permet de constater que la production issue de la densification est globalement plus chronophage que les nouvelles constructions. En effet, les travaux en milieu urbain entraînent des nuisances pour les riverains, qui peuvent être tant visuelles, sonores que d’accessibilité. Par conséquent, les exigences en matière d’études préalables ainsi que les oppositions s’avèrent importantes. Ces éléments conduisent à un allongement de la durée de planification. Les travaux d’assainissement et de surélévation peuvent par ailleurs être entravés par d’autres contraintes. Il peut s’agir d’aspects techniques, comme une résistance insuffisante de la structure porteuse du bâtiment existant ou encore d’aspects légaux, liés par exemple à l’aménagement du territoire ou à des servitudes contraignantes. La densification n’est alors possible que par une démolition-reconstruction.
### Ce débat influence également les loyers. Pourquoi la densification accélère-t-elle leur hausse?
Nous parlons bien de loyers de l’offre, soit les loyers soumis à la location, car l’évolution des loyers des logements au bénéfice d’un contrat de bail est, elle, orientée par les mécanismes législatifs. Les loyers de l’offre évoluent en fonction de la situation du marché, donc de l’équilibre entre l’offre et la demande. Pour répondre aux exigences de durabilité et aux enjeux sociétaux, la production future devrait s’orienter davantage dans la densification du tissu urbain. Si l’on prend l’exemple lémanique, avec une offre future nécessaire au dynamisme de la région qui se trouve entravée, dans les zones où il ne sera pas possible de densifier par l’intermédiaire d’une surélévation ou d’une extension, voire par manque de rentabilité d’une démolition-reconstruction, le rééquilibrage du marché devant alléger la pression sur les loyers ne pourra avoir lieu.
> Pour répondre aux exigences de durabilité et aux enjeux sociétaux, la production future devrait s’orienter davantage dans la densification du tissu urbain.
### Quelles pistes les communes doivent-elles explorer?
Outre le ciblage des quartiers les plus adaptés – où l’offre en transport public par exemple est bonne – une des possibilités existantes pour les communes visant à pallier cette rentabilité insuffisante dans le cas des démolitions-reconstructions reviendrait à offrir davantage de possibilités de densification. Les logements supplémentaires issus de la densification n’entrent pas dans le contrôle des loyers, ce qui peut constituer, pour le propriétaire, un incitatif financier à densifier. Ceci tout en limitant l’effet de la hausse sur les loyers des appartements existants.
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