
En Suisse, la part des hydrocarbures va baisser et l’économie s’électrifier davantage. Difficile toutefois d’anticiper le montant des factures car, tant pour les carburants que pour le gaz et l’électricité, les tarifs dépendent de facteurs volatils
Quels seront les prix de l’énergie en 2030? C’est la question à 300 francs, soit le montant moyen estimé qu’un ménage suisse paie à la fin du mois. Précisons tout de suite que, malgré la crise énergétique et l’encre qu’elle a fait couler, ce montant est assez faible et que cette donnée est difficile à obtenir. Parce qu’elle varie selon les profils mais aussi parce que les bailleurs précisent rarement quelles parts des charges qu’ils facturent aux locataires portent sur l’énergie.
Nous sommes arrivés à 300 francs en additionnant les dépenses mensuelles moyennes en énergie, par ménage en 2022 (l’année la plus récente pour laquelle il existe des données), pour les logements et les carburants. En Europe, les montants des factures sont comparables mais comme les revenus sont moindres, les enjeux sont vite plus importants. Au Pakistan et au Nigeria, ces ardoises peuvent s’avérer être plus salées, selon une étude du groupe Utility Bidder publiée en 2022.
Mix qui change
Faire un pronostic sur ces tarifs est encore plus difficile car ils dépendent de nombreux facteurs volatils. On peut par contre se faire une idée du mix énergétique suisse de 2030, ce qui permet de mieux saisir l’importance de tel ou tel agent énergétique et donc de son prix.
En Suisse, la tendance de ces dernières années est claire et elle devrait se confirmer: la consommation énergétique totale du pays diminue. Les produits pétroliers sont prépondérants mais en baisse tandis que l’électricité gagne du terrain.
La consommation d’énergie totale a augmenté durant des décennies et culminé vers 2010 avant de décliner. La part des combustibles (en gros, le mazout) dans les systèmes de chauffage est prépondérante mais elle baisse depuis une quarantaine d’années tandis que, dans le transport, celle des carburants est stable. Le parc automobile a en effet beau s’électrifier, il grandit aussi.
En 2000, les produits pétroliers représentaient 60% de la consommation d’énergie en Suisse et 46% en 2024. Sur ce même laps de temps, la part du gaz est restée stable (11-12%) et l’économie s’est électrifiée: en 2000, 22% de l’énergie était consommée sous forme d’électricité, un chiffre qui est passé à près de 27% l’an dernier. En 2030, selon la Confédération, la consommation totale d’énergie va encore baisser, la part des hydrocarbures aussi et celle de l’électricité s’accroître.
Le reste est flou
Les factures énergétiques des Suisses continueront donc de dépendre des prix des hydrocarbures – mais peut-être un peu moins – et de l’électricité – sans doute un peu plus. Le reste est flou et aucun institut ne se risque d’ailleurs à faire des prévisions.
«Plus tu as de solaire et d’éolien dans ton mix, plus les prix seront bas car leurs coûts d’exploitation sont proches de zéro. Par contre, ils engendrent plus de volatilité car s’il n’y a pas de vent ni de soleil, l’hiver, qui plus est, les tarifs peuvent vite exploser», affirme Stéphane Genoud, professeur en gestion de l’énergie à la HES-SO Valais. «J’estime donc que les distributeurs vont à l’avenir proposer des prix étalés sur une certaine durée et légèrement supérieurs au marché, pour anticiper les périodes de volatilité.»
C’est d’ailleurs ce qui se passe en Espagne aujourd’hui, un pays où le taux de renouvelables est élevé et peu connecté au réseau européen (ce qui l’empêche d’échanger beaucoup d’électricité avec l’UE et donc de lisser ses prix), selon le spécialiste.
Disparités en vue
«Je m’attends à ce que des différences de prix plus importantes soient présentes entre les saisons et entre les heures. En hiver, l’électricité sera chère et meilleur marché en été», renchérit Yannick Sauter. Le coordinateur romand de l’organisation Swissolar estime qu’il y aura ensuite des variations entre les heures pleines et les heures creuses (des plages horaires, généralement la nuit, où la demande en électricité est plus faible). Durant les heures creuses en été, le kilowattheure se vendra aux alentours de 20 centimes là où cette même quantité d’électricité vaudra 45 centimes pendant les heures pleines l’hiver, selon Yannick Sauter.
Quant aux hydrocarbures, les signaux contradictoires sont réputés pour rendre quasiment impossible les prévisions fiables sur l’évolution de leurs prix. On peut noter qu’actuellement les tarifs sont bas, parce que la demande est faible et qu’elle pourrait le demeurer car les énergies renouvelables se déploient plus vite que prévu. En même temps, il faut creuser toujours plus loin pour extraire du gaz et du pétrole car les réserves facilement accessibles se raréfient, ce qui augmente les coûts, tandis que l’offre, pour des questions géopolitiques ou autres, peut aussi se restreindre.