
CHRONIQUE. Les fondations installées à Genève participent pleinement à la prospérité de notre canton et à son rayonnement international. Le savoir-faire de la Place financière, le dynamisme du secteur académique et le soutien de la puissance publique ont contribué à ce succès
L’essor de la philanthropie à Genève repose sur une longue tradition d’engagement altruiste, en phase avec son histoire en tant que centre international pour les droits humains et l’aide humanitaire. La création du Comité international de la Croix-Rouge en 1864 demeure l’une des réalisations les plus marquantes. Au fil des ans, de nombreuses fondations sont venues s’implanter dans la Cité de Calvin, contribuant à développer l’«Esprit de Genève». Le canton abrite aujourd’hui près de 1400 fondations. C’est celui qui a connu la plus forte progression en Suisse avec un taux de croissance de 13% en six ans.
Pour rappel, le mot «philanthropie» trouve son origine dans le grec ancien philanthropia, qui signifie littéralement «amour de l’humanité». Cette disposition ne relève pas du concept abstrait, mais elle se traduit en actes concrets. A Genève, l’écosystème philanthropique est constitué d’une grande diversité d’acteurs actifs dans des domaines variés: éducation, recherche médicale et scientifique, action sociale, culture, environnement, ou encore aide au développement. Saviez-vous que Genève abrite également les deux plus grands récipiendaires mondiaux de dons privés, à savoir l’Alliance du vaccin (Gavi) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS)?
Un troisième secteur puissant
Le secteur philanthropique est un contributeur essentiel au bien commun dans notre canton. En effet, les fondations emploient plus de 25 000 personnes. En tenant compte des organisations internationales, ce chiffre peut être doublé. De plus, ces entités détiennent un patrimoine estimé à plus de 25 milliards de francs et versent des contributions annuelles de près de 9 milliards de francs. Elles démontrent ainsi leur capacité à soutenir des projets d’envergure, souvent à l’échelle internationale. Appelée parfois le 3e secteur, aux côtés des secteurs privé et public, la philanthropie est considérée comme un pilier complémentaire de l’action publique.
Conscient de l’impact socio-économique de ce domaine, l’Etat de Genève a mandaté le Centre en philanthropie de l’Université de Genève (GCP) afin de dresser un état des lieux et de formuler des recommandations en vue de renforcer et de faciliter l’activité philanthropique.
Cette récente étude révèle que les conditions-cadres offertes par notre canton sont d’excellente qualité. A titre d’exemple, contrairement à d’autres juridictions, Genève autorise les dons à l’étranger pour autant qu’ils poursuivent un but d’utilité publique, renforçant ainsi sa position de plateforme mondiale pour la philanthropie.
La Fondation Genève Place Financière reconnaît pleinement l’importance de ce secteur. C’est pourquoi elle a organisé le 1er avril l’édition 2025 de ses Assises sur le thème de la philanthropie, en réunissant plus de 600 participantes et participants.
Philanthropie et finance durable: un lien logique
Si la philanthropie reste avant tout une affaire d’altruisme et de passion, elle s’intègre de plus en plus dans les réflexions de gestion patrimoniale. En conséquence, les établissements bancaires et financiers genevois sont nombreux à avoir créé des fondations pour remplir leur rôle de mécènes dans la Cité. Le conseil à la clientèle dans le domaine philanthropique est également en forte croissance, afin de répondre à la demande tant dans les domaines technique et juridique, que dans le domaine de la gestion de fortune.
SwissFoundations indique dans son rapport 2024 que 89% des fondations interrogées intègrent des critères de durabilité dans la gestion de leur portefeuille, à travers diverses stratégies. En effet, les nouvelles générations de donateurs souhaitent concilier sens et efficacité. Elles cherchent des rendements financiers tout en ayant un impact social ou environnemental positif.
Cette évolution est illustrée par une stratégie fondée sur un alignement du choix des investissements avec les objectifs de la fondation, plus communément appelée «mission relative investing» (MRI). La «venture philanthropy» constitue une autre approche, très répandue dans les pays anglo-saxons.
Selon le Prof. Henry Peter, qui a été à l’origine du GCP, celle-ci consiste à faire des investissements de capital avec «un rapport entre risques et revenus se situant en deçà de ce qu’un investisseur rationnel (non philanthrope) accepterait».
Cette gestion sur mesure exige un accompagnement multidisciplinaire et des compétences particulières que la place financière genevoise est à même d’offrir grâce à sa diversité et à son savoir-faire.
Des enjeux de taille
Actuellement, tout un pan du secteur onusien et des ONG est fragilisé par des coupes budgétaires sans précédent. Dans ce contexte, les établissements bancaires et financiers peuvent jouer un rôle afin d’aider ces organisations à traverser cette crise.
Cela pourrait notamment passer par la mise sur pied de projets de blended finance (financement mixte) qui impliquent l’investissement conjoint de fonds publics et privés, où chaque partie emploie son expertise de manière complémentaire, afin de canaliser ce financement vers des actions ayant un impact sur le développement économique et social. L’événement Building Bridges, qui se tiendra du 30 septembre au 2 octobre 2025 constituera une plateforme idéale pour concrétiser de telles initiatives.
La professionnalisation du secteur philanthropique demeure un autre enjeu majeur. Pour y répondre, le secteur académique genevois est à la pointe. D’une part, l’Université de Genève propose un MAS en philanthropie et, d’autre part, la HES-SO de Genève a développé un CAS en recherche de fonds, première formation en collecte de fonds de Suisse romande.
Les éléments qui précèdent démontrent que Genève occupe une position stratégique et probablement unique dans le domaine de la philanthropie, avec pour ambition d’occuper une place de leader dans la durée. La place financière peut légitimement apporter son expérience, son potentiel de mobilisation et sa capacité d’innovation aux côtés des autorités étatiques et du monde académique.