L’horlogerie est un kaléidoscope où convolent en tous sens les formes et les couleurs. Parfois un motif revient d’une maison à l’autre, donnant un semblant de tendance dans la grande famille bigarrée des montres. Cette année, c’est le turquoise qui ouvre les feux
Bien plus qu’une couleur. Le turquoise est un étendard, que les grandes maisons ont levé assez haut pour irradier tout le secteur. Chez Rolex, il est couronné «ice blue» – bleu glacier – et sert de code: cette teinte de cadran ne se pose que sur les très exclusifs modèles à boîtier platine. Chez Tiffany, c’est une marque de fabrique, muée en phénomène depuis la présentation d’une fameuse série limitée de Nautilus Patek Philippe, en 2021. Le premier exemplaire est parti aux enchères à près de 6 millions de francs.
Il n’en fallut pas plus pour lancer la vogue. La fièvre monte, puis retombe. Mais le virus est joyeux et il reste toujours bien vivant. Tôt ou tard, il finit par gratter les créatifs et contamine la palette des nouveautés. C’est ainsi que, de temps en temps, le bleu glacier connaît une nouvelle flambée.
ORIS ProPilot X Year of the Snake Limited Edition
Heure, minute, petite seconde, réserve de marche, boîtier titane, 8200 francs
Elle est censée être couleur cyan, représentant la forêt dans la symbolique chinoise, mais le bleu est suffisamment teinté de vert pour en faire un turquoise foncé. Son dessin rappelle le serpent, l’animal de l’année dans l’astrologie chinoise, mais on est juste tenté d’y voir ce que les horlogers nomment «un modèle squelette». Le cadran se résume à quelques traits de métal peints, juste de quoi porter les indications essentielles et ajouter de la profondeur à l’ensemble. La pièce maîtresse se trouve dessous: le calibre 115. Un développement maison, doté de dix jours de réserve de marche. Tout un symbole pour Oris, qui a relancé la production de ses propres mouvements mécaniques pour ses 110 ans, en 2014.
Qui peut le plus peut le moins. Le fabricant schaffhousois IWC a été sacré en novembre dernier Aiguille d’or au Grand Prix d’horlogerie de Genève avec une montre d’une grande complexité: un calendrier perpétuel séculaire complet, capable de calculer correctement les années bissextiles jusqu’en l’an 3999, accompagné d’une phase de Lune qu’il faudra penser à ajuster dans 45 millions d’années. Mais l’année 2025 commence sous le signe de la sobriété, avec cette montre d’aviateur trois aiguilles et date, dont la seule destination est la lisibilité optimale de l’heure. La couleur est empruntée à l’écurie de formule 1 de Mercedes, dont IWC est partenaire depuis 2013.
La dernière manufacture indépendante active en ville de La Chaux-de-Fonds commence l’année en catimini. Le lancement de cette version Ice Blue du chronographe Laureato est passé carrément sous les radars. Sans même un communiqué de presse. Elle donne pourtant un coup de frais à une montre classique comme un emblème. La Laureato est apparue pour la première fois en 1975, dans la vague du sport chic inaugurée par Audemars Piguet et sa fameuse Royal Oak. Girard-Perregaux l’a relancée au milieu des années 2010, avec le retour de la montre acier dite «à bracelet intégré». Le modèle fait, depuis, partie des classiques contemporains, décliné dans de nombreuses couleurs et finitions.
Le pitch officiel insiste sur le nom «Flamingo Blue». Le flamant qui n’est plus rose, puisqu’il est bleu. Bien sûr, ça n’existe pas. C’est un clin d’œil. Une réponse au chronographe Black Bay rose que Tudor a présenté en 2024 et aux eaux turquoise de Miami où les flamants «poussent comme des roseaux». Dans une version plus locale, ce cadran rappelle l’absinthe des vals qui entourent Le Locle, où Tudor a planté sa manufacture. On peut aussi y voir une bulle d’air bien bleue dans ces temps moroses que traverse l’industrie horlogère. Cette Black Bay rappelle surtout qu’un modèle bien établi supporte toutes les variations et trouve toujours son public, même avec une touche d’audace.