Les transactions d’acheteurs américains ont bondi depuis le début de l’année à Andermatt. Si l’engouement est particulièrement marqué dans la petite commune de Suisse centrale, un fort intérêt est observé dans d’autres lieux, notamment en Valais
Une information cueillie en plein cœur de New York qui n’a pas échappé aux milieux immobiliers suisses. Le 21 avril dernier, le Financial Times (FT) publiait un article témoignant du vif intérêt rencontré depuis quelques mois par la station Andermatt auprès des Américains. Le texte s’appuie sur les données chiffrées transmises par Russell Collins, directeur commercial d’Andermatt Swiss Alps, qui gère et développe ce vaste projet immobilier lancé en 2009 par le milliardaire égyptien Samih Sawiris.
L’article a été publié quelques jours après l’événement «Discover Swiss Alps Unique Investment Opportunity», organisé par Barnes New York et Barnes Suisse au sein de la Maison Barnes à Manhattan, qui abrite un restaurant étoilé MICHELIN et où le réalisateur Woody Allen avait son studio d’enregistrement.
A cette occasion, Carine Cianfarani, directrice des relations internationales, développement marque & licence chez Barnes Suisse, était accompagnée par Felix Garifoulline, business development manager chez Andermatt Swiss Alps. C’est lors de cet échange avec une trentaine d’Américains intéressés à venir investir en Suisse que cette demande forte du marché américain depuis le début de cette année a suscité des discussions animées.
Explosion des transactions
Depuis janvier, le village d’Andermatt a attiré plus de 1260 demandes d’investisseurs américains. Fin mars, des acquisitions et des dépôts pour des appartements d’une valeur de 14,2 millions de francs étaient recensés, soit près du double des 7,7 millions de francs de transactions réalisées en 2024. En 2023, cette station uranaise n’avait pas un seul acheteur américain.
Contacté par nos soins, Andermatt Swiss Alps nous a livré des chiffres mis à jour à fin avril. Le constat est indéniable: «Tout au long du mois d’avril, la dynamique s’est maintenue. Les ventes à la clientèle américaine en avril gardent le même rythme qu’au premier trimestre, dont 5 millions de francs rien qu’en une semaine. Depuis le début de l’année, les transactions d’acheteurs américains s’élèvent à environ 20 millions de francs», précise Russell Collins.
Un cas particulier
La situation très particulière d’Andermatt explique facilement l’intérêt des investisseurs étrangers pour le marché immobilier suisse. En effet, développée par l’Egyptien Samih Sawiris, la station a obtenu en décembre 2007 une exemption à la Lex Koller de la part du Conseil fédéral. Les ressortissants non européens peuvent donc y acheter un bien sans autorisation spéciale. D’autre part, la Lex Weber ne s’y appliquera pas avant 2040. Rappelons que celle-ci limite la construction de résidences secondaires à 20% du parc immobilier d’une commune.
Le directeur commercial d’Andermatt Swiss Alps relève aussi que l’intégration du domaine skiable dans l’offre Epic Pass Resorts de l’opérateur américain Vail Resorts a contribué à doper sa visibilité auprès de la clientèle américaine. En 2022, Vail Resorts avait en effet déboursé 149 millions de francs pour s’offrir 55% du capital d’Andermatt-Sedrun Sport AG. Russell Collins précise que l’intérêt international pour Andermatt concerne aussi d’autres régions. «Les demandes de renseignements en provenance du Royaume-Uni, d’Europe continentale et d’Asie du Sud-Est (en particulier Hongkong et Singapour) ont augmenté d’environ 20% d’une année sur l’autre.»
A ce jour, c’est une somme d’1,67 milliard de francs qui a été investie dans cette station alpine. Vingt-huit des 42 résidences d’appartements ont été livrées, de même que deux des six hôtels prévus. La construction d’un troisième hôtel (un hôtel cinq étoiles ultra-luxueux baptisé The Alpinist) a débuté récemment. Relevons encore l’inauguration intervenue l’hiver dernier d’une rue commerçante, la Furkagasse, avec un concert du chanteur suisse Bastian Baker, une nouvelle artère dotée de commerces haut de gamme et de nouveaux bars et restaurants.
Et ailleurs?
«Nous sommes en train de vendre un des quatre derniers lots au sein des Résidences du Six Senses à Crans-Montana, un appartement de 240 m² de plusieurs millions de francs, à une famille américaine», témoigne Carine Cianfarani. Ce n’est pas un hasard si la station valaisanne tire son épingle du jeu à son tour. Elle aussi a vu débarquer Vail Resorts qui a pris le contrôle de la société des remontées mécaniques CMA pour près de 118,5 millions de francs en mai 2024.
L’instabilité politique et économique aux Etats-Unis, depuis l’élection de Donald Trump, n’a fait que renforcer l’attrait de la Suisse en tant que refuge géopolitique et financier. «Cette clientèle affectionne particulièrement les offres où tout est intégré. C’est aussi le cas à Crans-Montana qui, avec ses écoles privées, ses parcours de golf et son casino, bénéficie d’une vie sociale à l’année.»
Sa consœur Annabelle Commun, responsable, des ventes dans les Alpes chez Naef Prestige Knight Frank, partage ce constat: «Non seulement, l’arrivée de Vail Resorts a mis ces deux stations suisses en avant. Mais, de plus, il semble qu’il soit redevenu possible d’obtenir un prêt bancaire en Suisse pour des ressortissants américains.» Verbier bénéficie aussi d’un certain intérêt. D’ailleurs, le site de la station valaisanne mentionne dans ses partenariats l’offre permettant aux détenteurs de l’Epic Pass Resorts de pouvoir skier cinq jours consécutifs aux 4 Vallées, sous certaines conditions.
Sébastien Gentilini, directeur des opérations chez FGP Swiss & Alps (du groupe Comptoir Immobilier), confirme également cette tendance: «Les demandes des ressortissants américains représentent environ 10% des demandes totales pour nos biens en Suisse et environ 75% de nos ventes. Ce chiffre est en augmentation d’environ 17% pour le premier trimestre 2025 par rapport à la même période l’année dernière. Ce sont des personnes qui viennent se domicilier en Suisse notamment au forfait fiscal, avec souvent des enfants en âge d’être scolarisés. L’offre en termes d’écoles privées, conjointement à la qualité de vie, est un facteur clé et explicatif de l’intérêt envers notre pays. Les destinations les plus demandées sont Verbier, Gstaad, Crans-Montana et Genève.»
