
ÉDITORIAL. Une semaine cruciale débute pour la Suisse, menacée de droits de douane de 39% par les Etats-Unis. Ce nouveau psychodrame rappelle que le miracle économique suisse repose sur un accès facilité aux grands marchés mondiaux
Taxer les services numériques, revoir le contrat des avions de combat F-35, alléger le fardeau réglementaire des entreprises, se dépêcher d’actualiser l’accord de libre-échange avec la Chine… Après le coup de massue qu’a représenté l’annonce de possibles droits de douane de 39% pour les exportations helvétiques, la foire aux propositions a commencé en Suisse et va se poursuivre ces prochains jours. Avec elle, un flot de critiques décochées à l’encontre du Conseil fédéral, en particulier de la présidente Karin Keller-Sutter, soupçonnée d’avoir irrité son altesse Donald Trump, jeudi dernier, lors d’un coup de fil objet de toutes les spéculations.
Malgré l’émoi légitime que suscitent les dernières bouffonneries commerciales du 47e président américain, il faut pourtant se garder de poser des jugements définitifs avant l’échéance du nouvel ultimatum fixé à vendredi. Il y a deux semaines, l’Union européenne (UE) se voyait menacée d’un taux de 30% qui a finalement été ramené à 15% après des concessions.
En appliquant une discutable règle mathématique, on peut imaginer que si Berne réussissait à offrir des garanties suffisantes au tyran commercial qu’est Donald Trump, par exemple sur la pharma et l’or, le taux pourrait passer de 39 à 20%. Ce qui reste évidemment trop élevé pour les exportateurs suisses, puisqu’ils seraient notamment défavorisés face à leurs concurrents européens.
Le prix de l’indépendance
A l’heure qu’il est, de tels calculs ne sont de toute manière que pures hypothèses et la semaine à venir s’annonce très longue pour le Conseil fédéral et les milieux économiques. Quoi qu’il en sorte, l’improbable séquence que vit la Suisse depuis le 1er août devrait rester bien ancrée dans les mémoires des atlantistes convaincus, qui exultaient il y a 9 mois après l’incroyable come-back du républicain.
Parmi eux, l’UDC, qui scande aujourd’hui que la Suisse aurait dû davantage courtiser Washington et prêter allégeance au nouveau maître du monde. Le premier parti du pays ne peut en effet être que dérangé par la tournure que prennent les événements, de nature à pousser le peuple à accepter les nouveaux accords bilatéraux avec l’UE.
Car s’il faut accorder un mérite au président américain, c’est de rappeler de manière brutale que pour les entreprises suisses miser sur les Etats-Unis au détriment du marché européen n’a jamais été une option réaliste. Nain démographique, le pays a viscéralement besoin des deux débouchés pour continuer de prospérer. Grand gagnant du multilatéralisme pratiqué ces trois dernières décennies, il doit apprendre à naviguer dans un environnement devenu plus hostile. Un monde dans lequel l’indépendance peut avoir un prix plus élevé que par le passé.