
Sur fond de résultats annuels record, le groupe de luxe genevois a annoncé un changement de taille avec la nomination de Nicolas Bos, dirigeant de Van Cleef & Arpels, comme directeur général. Ce qui souligne le poids de la joaillerie: 69% des ventes de Richemont
Ça bouge encore au sommet du groupe de luxe genevois Richemont, qui démontre une fois encore sa souplesse en matière d’organigramme. La direction générale passe dans les mains de Nicolas Bos, qui dirigeait Van Cleef & Arpels depuis 2013. Il entrera en fonction le 1er juin et sera sous les ordres directs de Johann Rupert, président non exécutif et actionnaire de référence de Richemont, et sera secondé par Jérôme Lambert, qui occupait seul la direction générale du groupe depuis 2018.
Ce dernier devient directeur opérationnel, sous les ordres de Nicolas Bos. Ce changement intervient dans un contexte porteur, Richemont a annoncé un résultat annuel «au plus haut historique», avec un chiffre d’affaires 2024 de 20,6 milliards d’euros (le siège du groupe est à Genève et reporte en euros, son année fiscale se termine au 31 mars).
### L’importance de connaître les gens
La nomination du jour a quelque peu éclipsé la performance financière. Ce n’est pas la première fois que Richemont surprend dans ce domaine. En se montrant à la fois cohérent et inventif en matière de gouvernance, assurant avec souplesse le changement de génération.
Le groupe s’est construit jusqu’au milieu des années 2010 sur une base clanique, autour de la figure centrale Johann Rupert, puis la structure est passée par des phases plus expérimentales. Il y a déjà eu deux épisodes de direction bicéphale. La première avait mené à une coprésidence exécutive tenue par le tandem Richard Lepeu, déjà directeur général, et Bernard Fornas, alors dirigeant de Cartier (propriété de Richemont), de 2013 à 2016. Puis la position de président exécutif avait été gommée au profit d’une structure plus horizontale, formée un court moment par le duo Jérôme Lambert, qui avait auparavant dirigé Jaeger-LeCoultre et Montblanc, et Georges Kern, à la tête des montres IWC (toutes des marques de Richemont).
Avec le départ de Georges Kern pour Breitling en juillet 2017, Jérôme Lambert avait repris seul la direction générale du groupe **–** à l’exception des maisons Cartier et Van Cleef & Arpels, qui reportaient directement à Johann Rupert. Le 1er juin, date d’entrée en fonction de l’actuel dirigeant de Van Cleef & Arpels, Jérôme Lambert deviendra directeur des opérations.
Le choix de Nicolas Bos ne doit rien au hasard. «Il nous a rejoints alors qu’il était encore un bébé», a imagé Johann Rupert. La réplique sonne beaucoup mieux dans l’anglais rocailleux du président sud-africain, mais la traduction ne change rien au fond: Nicolas Bos est en effet entré dans la maison en 1992, à 21 ans. D’abord à la Fondation Cartier pour l’art, puis chez Van Cleef & Arpels, qu’il dirige depuis 2013. Il cochait donc toutes les cases: jeune, éprouvé en matière de direction exécutive et rompu à la culture du groupe.
«Pour une transition douce, vous avez besoin d’une mémoire institutionnelle et vous avez besoin de connaître les gens», a justifié Johann Rupert. Avant de conclure ce point d’un trait d’esprit: «J’ai demandé à Nicolas Bos qu’il me promette une chose: qu’il continue à avoir du plaisir.»
### Potentiel tempéré sur l’horlogerie
Pour ce qui est du résultat annuel, il y a plusieurs éléments à retenir. Le premier, immuable, est la prédominance de la joaillerie – Cartier en tête –, qui représente 69% des ventes du groupe, à 14,2 milliards d’euros, en croissance de 12% à taux de change constant, avec une marge opérationnelle de 33,1%. En comparaison, les spécialités horlogères (qui regroupent huit marques) s’affichent en baisse de 2% à 3,8 milliards de francs.
Questionné par _Le Temps_ sur le potentiel de l’horlogerie dans le contexte baissier actuel, Johann Rupert a répondu, en prenant de la hauteur, témoignant d’un changement de fond dans le secteur. «Rolex, Patek Philippe et d’autres joueurs sérieux ont aussi tempéré le potentiel de croissance. Je ne suis pas morose par rapport à l’horlogerie, mais le marché est devenu plus granulaire. Il ne faut plus simplement regarder maison par maison, mais il faut analyser en profondeur, catégorie par catégorie.»