
L’interdépendance sino-américaine est le fruit d’une complémentarité et d’une convergence d’intérêts historiques qui se sont estompées avec l’évolution du statut de la Chine. Ce lien, bien que remis en cause, ne sera pas rompu par une simple décision
La résurgence de la guerre commerciale, mise en scène par la Maison-Blanche à travers une communication erratique ponctuée d’annonces fracassantes et de reculades, a semé un vent de panique sur les marchés mondiaux, allant jusqu’à provoquer une flambée de la volatilité à des niveaux jamais observés depuis la crise du Covid-19 ou la grande crise financière de 2008. Pour les investisseurs, ces pics de volatilité peuvent être sources de fébrilité et d’une propension à réagir hâtivement. Le bon sens nous invite cependant à faire preuve de sang-froid et à effectuer quelques pas en arrière afin d’élargir notre champ de vision.
L’histoire de la mondialisation n’est pas un long fleuve tranquille. Le degré de mondialisation, mesuré par le rapport entre le commerce international et le PIB mondial, a augmenté à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, à la faveur de l’industrialisation et de la baisse des coûts de transport.
Montée en puissance chinoise
Sans surprise, la période de l’entre-deux-guerres a vu une forte contraction de la mondialisation, alors que la fin de la Deuxième Guerre mondiale a marqué le début d’une nouvelle phase de développement des échanges internationaux avec la mise en place du GATT en 1947, puis la création de l’OMC en 1995. La libéralisation des échanges a notamment permis la montée en puissance de la Chine, qui a intégré l’OMC fin 2001, après de longues négociations.
La crise financière de 2008 a ensuite marqué un coup d’arrêt dans l’essor de la mondialisation. Le commerce international s’est maintenu à un niveau élevé mais a cessé de croître plus rapidement que l’économie à partir de ce moment. Le FMI et la Banque mondiale ont montré que l’évolution des chaînes d’approvisionnement de la Chine et des Etats-Unis a contribué au tassement de la part du commerce international dans l’économie mondiale.
Les entreprises chinoises ont progressivement substitué des importations de composants en provenance des Etats-Unis par des composants fabriqués en Chine, diminuant ainsi la part importée des exportations chinoises. La pandémie a ensuite souligné la nécessité de chaînes de valeur plus courtes et d’une forme de réindustrialisation afin de garantir une souveraineté économique, cruciale dans les secteurs stratégiques.
Nouvelles alliances
Les barrières commerciales transforment la mondialisation sans la stopper. Alors que Washington annonçait l’augmentation de ses droits de douane, la Chine, la Corée du Sud et le Japon ont indiqué la reprise de discussions en vue d’un accord de libre-échange. La Chine a par ailleurs atteint un excédent commercial record en 2024, avoisinant les 1000 milliards de dollars, tout en diversifiant ses partenaires commerciaux, notamment grâce à l’intégration croissante des pays de l’Asean dans ses chaînes de valeur.
L’interdépendance sino-américaine est le fruit d’une complémentarité et d’une convergence d’intérêts historiques qui se sont estompées avec l’évolution du statut de la Chine. Aujourd’hui remise en cause, cette interdépendance ne saurait pour autant être rompue par une simple décision. En définitive, la rivalité opposant les deux puissances s’inscrit dans la question plus large de la transition hégémonique.