
ÉDITORIAL. L’initiative «200 francs ça suffit!» a été refusée par le Conseil national. La grande maison de service public aurait tort de penser que les jeux sont faits. Elle a quelques mois pour apporter la démonstration de sa capacité à se réformer, avant la votation populaire
La SSR, c’est un peu notre génie à nous. Une construction bien fédérale, le soutien des minorités basé sur une clé de répartition financière solidaire, la couverture des matières et zones géographiques qui n’auraient pas droit de mention sans les deniers publics. La SSR, c’est le symbole de tout ce que l’on aime en Suisse et dont on est fier. Le compromis, la raison, l’Etat fort mais pas excessif. Le combat des reines en direct, des heures de surprenante musique folklorique, le sport, la culture et bien sûr, dans ce pays qui vote tant, l’information de qualité, dans toutes les régions helvétiques, et ouverte sur le monde.
Péril en la demeure
Aujourd’hui, il y a péril en la demeure. A l’extérieur de la maison, les critiques fusent, alimentées par l’initiative de l’UDC «200 francs ça suffit!». Trop chère, trop woke, trop arrogante, la petite musique excessive trouve une écoute au-delà des cercles puristes alémaniques. Le contexte est porteur: le pouvoir d’achat des classes moyennes stagne, les entreprises vivent dans l’instabilité permanente, mille autres sources d’information et de divertissement ont émergé. A quoi il faut ajouter un secteur des médias privés en crise. Au parlement, les députés, si nombreux à vouloir prendre la parole sur ce sujet hautement identitaire, ont compris l’importance des enjeux.
Mais le vrai risque est interne à la grande maison de service public. Les unités d’entreprise collaborent très mal autour de projets nationaux, drapées dans une dangereuse autosatisfaction. La manière de travailler au niveau interrégional pourrait générer des économies qui devraient servir le programme. Le combat entre l’actualité et les magazines n’a jamais cessé. La capacité de résistance passive de collaborateurs rend la tâche de celles et ceux qui promeuvent les synergies bien compliquées. Les vieux démons, nourris par une construction décentralisée, des années de manne financière assurée et le cadre public, sont tenaces. Alors que les ressources devraient servir la production de contenus d’intérêt général que d’autres ne peuvent financer.
La preuve par l’acte
Une redevance diminuée de 335 à 200 francs, comme le propose l’initiative menée par l’UDC, serait une grave erreur, démarche à contretemps lancée par un groupe qui refuse de voir l’importance de la SSR, seul média national au service des quatre langues et cultures. Alors que le peuple suisse avait plébiscité le service public lors de la votation «No Billag», cette fois, il pourrait bien se laisser tenter par quelques économies sonnantes et trébuchantes. La SSR a quelques mois pour faire la démonstration de sa capacité à comprendre ce nouvel environnement et à se réformer, réellement.